EDF résiste, mais pour combien de temps? Malgré une chute vertigineuse de ses bénéfices (-87%), EDF ne bascule pas dans le rouge et affiche un résultat net de 650 millions d'euros en 2020.
"La résilience d'EDF, incontestable sur le plan opérationnel, se lit également dans nos résultats financiers malgré une récession historique. Ces résultats montrent un impact modéré de la crise sanitaire", s'est félicité Jean-Bernard Lévy, le Pdg d'EDF, à l'occasion de la présentation des résultats annuels de l'entreprise, ce jeudi 18 février.
Baisse de la production nucléaire, baisse de la consommation d'électricité, reports de chantiers, annulation de prestations, baisse des volumes d'électricité distribués par Enedis, raccordements décalés... Au total, la crise sanitaire a coûté à l'électricien français 1,5 milliard d'euros.
Un impact qualifié de "contenu" par Jean-Bernard Lévy. "Cela représente moins de 10% de l'Ebitda", souligne-t-il. Celui-ci s'élève, fin 2020, à 16,2 milliards d'euros, en recul de 2,7%. Le chiffre d'affaires, en retrait de 3,4% à 69 milliards d'euros, aurait été stable sans l'effet Covid, a par ailleurs souligné Xavier Girre, le directeur financier du groupe.
"Bien armés" pour 2021 et 2022
Pour juguler ces coûts, l'entreprise a engagé, dès l'été dernier, un nouveau plan d'économies de 500 millions d'euros à l'horizon 2022 et un programme de cessions d'actifs de 3 milliards d'euros. À fin 2020, 221 millions d'euros et 0,5 milliard d'euros ont été atteints respectivement.
"Ce programme de cessions s'effectuera sans toucher au cœur des activités industrielles d'EDF", a promis le dirigeant.
EDF a aussi obtenu de l'État, son principal actionnaire, que le versement de dividendes se fasse en titres et non en cash jusqu'à 2021 au moins. Un ensemble de mesures qui permet de sécuriser les deux années à venir.
"Pour 2021 et 2022, nous sommes bien armés pour poursuivre notre chemin", a affirmé le dirigeant, alors qu'une recapitalisation de l'entreprise est pour le moment exclue.
Mais quid de l'après 2022? EDF est aujourd'hui lourdement endetté. Fin 2020, sa dette nette s'élevait à 42,3 milliards d'euros, en hausse de 1,2 milliard d'euros sur un an. Or, l'électricien fait face à un mur d'investissements. Il doit à la fois entretenir son parc nucléaire et accélérer dans les énergies renouvelables - où il n'a investi "que" 1 milliard d'euros en 2020 (environ 7% de ses investissements totaux), alors que son concurrent italien Enel prévoit d'investir quelque 17 milliards d'euros d'ici à 2023.
Risque de déclassement
Le gouvernement et l'électricien attribuent directement cet endettement chronique à l'Arenh. Ce mécanisme, instauré il y a plus de dix ans, oblige EDF à vendre son électricité nucléaire aux fournisseurs concurrents à 42 euros le mégawattheure. Un prix qui, selon l'entreprise et l'État français, ne permet pas de couvrir les coûts de production.
"L'Arenh pousse EDF vers le déclassement. L'Arenh dans sa forme actuelle, je le répète, est un poison", a insisté Jean-Bernard Levy.
Le projet de réorganisation "Hercule", très contesté par les syndicats et certains parlementaires qui craignent un démantèlement, doit justement permettre de réformer l'Arenh et ainsi augmenter le prix de vente de l'électricité nucléaire. Mais ses chances de voir le jour apparaissent de plus en plus maigres au vu des discordances persistantes entre le gouvernement français et la Commission européenne.
Le temps presse
"J'espère qu'une solution pourra voir le jour très prochainement car le temps passe", a ajouté le dirigeant.
Selon Jean-Bernard Levy, sans "Hercule", EDF ne pourra pas compter parmi les grands acteurs européens de la transition énergétique. Le dirigeant s'est ainsi dit "très concentré pour trouver une solution acceptable qui nous permette de rejoindre ceux qui sont en train de nous doubler", en faisant référence à l'italien Enel et à l'espagnol Iberdrola.
Les deux énergéticiens du sud de l'Europe visent respectivement 120 gigawatts (GW) et 95 GW de capacité de production d'énergies renouvelables à l'horizon 2030, bien plus donc que les objectifs d'EDF, même rehaussés. Le groupe français a en effet annoncé, ce 18 février, viser 60 GW de capacité de renouvelables (hydraulique inclus) à l'horizon 2030, contre les 50 GW initialement visés.
Avec la mise en œuvre du plan Hercule, EDF affirme qu'il pourrait atteindre 100 GW de capacité en 2030 et ainsi jouer dans la cour des grands.
Sujets les + commentés