Énergies renouvelables : le projet de loi du gouvernement agace déjà malgré le retard de la France

Les associations de protection de la nature regrettent que le texte présenté par le gouvernement à la rentrée fasse l'impasse sur les enjeux de biodiversité. En revanche, les professionnels du secteur saluent en grande partie le projet du gouvernement alors que la France accuse un retard considérable en matière d'énergies renouvelables.
(Crédits : Reuters)

L'adoption de ce texte pourrait virer au casse-tête. Le projet de loi d'accélération des énergies renouvelables, que le gouvernement veut faire adopter à l'automne pour rattraper le grand retard de la France dans l'éolien et le solaire, est accueilli avec une satisfaction prudente par la filière mais suscite des inquiétudes chez certains défenseurs de l'environnement. Pourtant, il y a urgence. La guerre en Ukraine et la mise à l'arrêt de nombreuses centrales nucléaires en France ont jeté une lumière crue sur l'extrême fragilité du modèle énergétique tricolore encore très dépendant des énergies fossiles.

Au menu de ce texte décisif de 20 articles: des mesures transitoires pendant 48 mois pour simplifier les procédures (allégement des obligations d'évaluation environnementale ou extension du vote du public par voie électronique), la multiplication des possibilités d'implantation des panneaux solaires (obligation d'équipement sur les gros parkings, possibilité d'installation sur les délaissés routiers), une mutualisation des débats par façade maritime pour l'éolien en mer.

Lire aussiÉnergies renouvelables : le plan de la France pour enfin rattraper son retard

Retard considérable de la France

Le Conseil d'Etat et le Conseil national de la transition écologique viennent d'être saisis sur ce texte, qui devrait être présenté au Conseil des ministres mi-septembre. "La France accuse un retard", par rapport à ses voisins européens, reconnaît le texte dans son exposé des motifs, mettant en cause des lourdeurs administratives et juridiques.

Il faut ainsi 10 ans pour développer un parc éolien en mer, deux fois plus longtemps qu'ailleurs. La France vient seulement de produire des électrons en provenance de son premier parc marin, au large de Saint-Nazaire.

Le pays hôte de l'accord de Paris contre le réchauffement climatique est généralement en retard sur son plan de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et Emmanuel Macron a annoncé en février une hausse des objectifs sur les renouvelables.

La France veut multiplier par dix les capacités solaires pour dépasser les 100 GW et déployer 50 parcs éoliens marins pour atteindre 40 GW d'ici 2050. Le doublement de la capacité éolienne terrestre à 40 GW sera en revanche plus lent que prévu, en 10 ans au lieu de 30. "Il y a beaucoup de bonnes idées" dans le projet de loi, salue Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER).

"Sur les mesures de simplification on est évidemment très favorable, notamment sur l'éolien en mer": "ça peut raccourcir beaucoup les délais de développement des projets", note-t-il. Mais il reste prudent: "Beaucoup de choses vont se décider dans les décrets".

La biodiversité en jeu

L'accueil est en revanche beaucoup plus négatif à la Ligue de protection des oiseaux (LPO), qui regrette un projet "purement sectoriel" qui "oublie complètement les enjeux de biodiversité". "Comment peut-on aller mettre de l'éolien dans les sites naturels protégés, les sites Natura 2000, les couloirs de migration?", s'agace Yves Verilhac, directeur général de la LPO.

"L'IPBES (les experts biodiversité de l'ONU) dit que l'artificialisation des milieux est la première cause d'effondrement de la biodiversité. Or là qu'est-ce qu'on propose? D'aller mettre des panneaux photovoltaïques plein champ dans des secteurs où c'était impossible avant, en dérogeant à la loi montagne, à la loi littoral etc." "Les meilleurs alliés des énergies renouvelables, comme la LPO, décrochent. C'est indéfendable", juge M. Verilhac.

Difficultés juridiques

Certaines mesures soulèvent aussi des problèmes juridiques, comme la possibilité de "relever plus facilement les seuils de soumission à évaluation environnementale systématique", inscrite dans le texte. L'idée est d'exempter les petits projets de cette procédure longue et coûteuse.

Une mesure qui irait à l'encontre du principe de "non-régression", qui découle de la loi de 2016 sur la biodiversité. Ce principe dispose que la protection de l'environnement "ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante".

Le projet de loi "le neutralise en expliquant que c'est un principe symbolique, décoratif, et qu'on ne pourra plus s'en prévaloir devant un juge", explique l'avocat Arnaud Gossement. "C'est la première fois de l'histoire du droit de l'environnement que le législateur serait amené à neutraliser un principe général du droit qu'il vient de créer"; "c'est très dangereux parce que ça crée un précédent", estime-t-il.

(Avec AFP)

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Commentaires 8
à écrit le 22/08/2022 à 11:40
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Lorsque je constate sur la côte Atlantique aussi bien au Portugal qu'en France le peu de vent depuis 2 Mois au large comme sur les côtes, la production éolienne est en Panne Séche. Par contre beaucoup de soleil et tellement puissant au Portugal 45 à ...

à écrit le 21/08/2022 à 15:35
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Nous sommes en effet très en retard dans les renouvelables et devrions viser 100 % - car le nucléaire trop en retard pas assez compétitif, trop risqué comme on le voit encore en Ukraine et sous dépendance uranium comme thorium ne répond pas assez vit...

le 21/08/2022 à 18:26
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La priorité de nos gouvernants n'est pas de conserver une biosphère viable pour nos descendants, mais de générer du PIB et du revenu pour leurs amis. Quand vous aurez compris cela, vous comprendrez mieux les choix qu'ils font.

à écrit le 21/08/2022 à 15:29
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La priorité est de remettre en état ce qui fonctionnent, de s'adapter à la situation, "ne pas faire de plan, ni de réforme, sur la comète", ne pas vouloir singer nos voisins et, nous diriger vers plus résilience et de sobriété! Nous ne pourrons pas f...

à écrit le 21/08/2022 à 13:33
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Nous ne sommes pas en retard nous sommes très en avance puisque notre électricité est déjà décarbonée.

à écrit le 21/08/2022 à 11:36
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Voter des lois coercitives ne sert pas à grand chose. Il faut laisser faire le marché. Un gaz, du pétrole, une électricité chère, et c'est toutes les énergies renouvelables qui deviennent compétitives. En attendant, le gouvernement ferait mieux de ro...

à écrit le 21/08/2022 à 11:34
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Au contraire d'auitres pays la France n'a pas favorisé les panneaux solaires sur les toits des particulers et il y en a bcp moins alors que nous devrions en avoir plus. Comme d'habitude l'administration hyper-centralisé et l'état central fonctionnari...

le 21/08/2022 à 17:39
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Pour les panneaux solaires sur les toits des propriétés privées, c’est aux propriétaires de décider, pas à l’Etat. Mais pour cela, il faut qu’ils y aient un intérêt à moyen-long terme, pas seulement financier, mais aussi de sécurité d’approvisionneme...

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