
A peine la campagne présidentielle entamée, le débat s'enflamme déjà sur l'avenir énergétique du pays. Avec les débats, voire les polémiques, sur la future place du nucléaire et des énergies renouvelables, toutes les deux décarbonées mais souvent opposées, les discours se polarisent, dans un contexte anxiogène d'explosion des prix du gaz et de l'électricité. Et l'éolien n'y échappe pas, son déploiement se trouvant au cœur de nombreuses controverses, allant des critiques sur la dénaturation du paysage aux accusations d'atteintes à la biodiversité.
En effet, tandis que la programmation de l'énergie (PPE) de la France prévoit de doubler, au moins, la puissance fournie par ces géants à pales d'ici à 2028, la question de leur implantation semble diviser plus que jamais. En témoigne la grogne qui monte dans certains territoires, où les recours se multiplient. « Une petite musique est en train de s'installer dans notre pays », a ainsi regretté la ministre de la transition écologique, Barbara Pompili, à l'occasion de la présentation du bilan de la filière ce mardi.
Un refrain anti-éolien de plus en plus audible, et incompatible avec le cap fixé par l'Etat d'augmentation annuelle de la puissance installée de 1.800 à 2.000 MW par an - loin des 1.300 MW « seulement » de l'année 2020. Pour cause, alors que dans ses prévisions, le gestionnaire de réseau RTE estime que la demande d'électricité devrait croître de l'ordre de 20 % d'ici à 2035 et de 50 % d'ici à 2050, développer « massivement » les énergies renouvelables est « la seule solution », a fait valoir Barbara Pompili.
« Même si la décision de construire de nouveaux réacteurs nucléaires était prise aujourd'hui et si le chantier était mené dans les temps et dans des temps record, sans subir aucun retard, ceux-ci ne pourraient être opérationnels avant 2035 au plus tôt. Or, la demande d'électricité arrive avant. [...] Dans cette situation, soit on fait du renouvelable, soit on fait du fossile. Or, nous ne voulons pas faire d'énergie fossile », a-t-elle insisté.
Et alors que les énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz), qui représentent encore 2/3 de l'énergie en France et sont responsables du dérèglement climatique, « opposer l'éolien au nucléaire n'a aucun sens. La France est capable de marcher sur ses deux jambes », a lancé le président de France Energie Eolienne (FEE, qui représente la filière), Nicolas Wolff.
Création d'un médiateur de l'éolien
C'est dans cet esprit que la ministre a annoncé, aux côtés de FEE, dix mesures pour favoriser l'essor « maîtrisé » et « responsable » des parcs éoliens. « Je sais bien que l'installation de nouveaux parcs d'éoliennes ne se fait pas toujours sans critiques voire contestations locales. Il faudrait être aveugle et sourd pour les ignorer », a-t-elle affirmé. Pour y remédier, elle a insisté sur la compatibilité des projets avec les enjeux environnementaux locaux, puisque les préfets devront appliquer « le plus haut niveau d'exigence » sur ce sujet. Et de rappeler que, depuis 2020, un tiers des dossiers de demande d'autorisation a été refusé, du fait de nuisances trop importantes pour les riverains ou de menaces à la biodiversité.
Ainsi, les préfets, chargés de produire des cartographie des zones propices, devraient commencer à remettre leurs travaux d'ici à novembre. Et un médiateur de l'éolien, composé d'une équipe de 4-5 inspecteurs généraux, sera également mis en place. « Il pourrait être saisi par les préfets quand des cas sont particulièrement difficiles », a fait valoir la ministre.
Reste que dans les zones classées Natura 2000, pour lesquelles le Conseil national de protection de la nature a jugé incompatible implantation de parcs éoliens et protection de la biodiversité, Barbara Pompili ne s'est pas prononcé sur une interdiction de principe. « Nous voulons regarder au cas par cas et trouver l'équilibre », a-t-elle précisé.
Favoriser la co-construction
Par ailleurs, pour réduire les impacts sur les riverains, le ministère compte rendre obligatoire dès le début de l'année prochaine la consultation du maire avant le lancement de tout projet. Mais aussi créer des comités régionaux de l'énergie, qui devront définir des objectifs de développement des énergies renouvelables à l'échelle de chaque région « en adéquation avec les objectifs nationaux ». L'idée : « Favoriser la co-construction des parcs et remettre élus et citoyens au cœur du projet », a précisé Nicolas Wolff, président de France Energie Eolienne.
« Je rencontrerai prochainement Régions de France pour travailler aux modalités pratiques d'organisation de ces comités. Un décret publié début 2022 les définira précisément et leur permettra d'être pleinement opérationnels en vue de la prochaine programmation pluriannuelle de l'énergie », a ajouté la ministre.
En outre, elle a rappelé l'ambition de valorisation des matériaux lors des démantèlements - une critique souvent formulée par les opposants à l'éolien. Fustigeant des « contre-vérités » circulant sur le sujet, elle a mis en avant que 90 % des éoliennes existantes doivent déjà être recyclées, afin notamment d'alimenter la filière BTP... « Et ça montera à 95 % à partir de 2024. Peu d'ouvrages peuvent se prévaloir de ce niveau de circularité », a insisté Barbara Pompili, à l'heure où des premières pales 100% recyclables sont réalisées.
Valeur ajoutée pour les territoires
Ce n'est pas tout : le gouvernement compte aussi s'attaquer aux nuisances sonores. Il y aura « un bridage en cas de dépassement des seuils autorisés », avec un « contrôle systématique du bruit » à partir du 1er janvier, a-t-il clarifié. Quant à l'impact lumineux, l'orientation des lumières vers le ciel sera généralisée fin 2021 pour le minimiser. Et à partir de mi-2022 les signaux seront, comme en Allemagne aux États-Unis, allumés uniquement lors du passage d'avions. « Le temps que parcs et aéronefs s'équipe de transpondeurs leur permettant de communiquer », à précisé Barbara Pompili, en précisant que le dispositif sera bientôt testé en Ardèche.
Mais l'Etat veut aller plus loin : au-delà d'être accepté par la collectivité, il souhaite « que l'éolien soit aussi un motif de fierté » et « une chance pour les territoires ». Ainsi, la filière financera, sur ses ventes d'électricité, un « fonds de sauvegarde du patrimoine naturel et culturel » des régions. Doté de 30 à 40 millions d'euros par an, il permettra de restaurer et maintenir divers sites historiques, du « lavoir du XVIIème siècle » à la « chapelle romane en briques », a illustré Barbara Pompili.
« L'éolien fait désormais partie du patrimoine des territoires. En résulte une responsabilité de poids pour, au côté des collectivités, protéger ce patrimoine », a insisté le président de France Energie Eolienne.
Surtout, pour favoriser cette plus-value, il faudra faire en sorte que la production générée par les parcs revienne directement aux régions où ceux-ci sont implantés. Et ainsi, proposer aux riverains « l'accès à un tarif électrique vert préférentiel, afin qu'ils puissent accéder à une électricité peu chère », a fait valoir Nicolas Wolff. Mais aussi, au-delà des ménages, proposer aux collectivités, aux entreprises et aux industriels des contrats d'approvisionnement pour se fournir avec cette électricité décarbonée.
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