A l'heure de choix structurants pour l'avenir énergétique du pays, plusieurs visions s'affrontent en la matière...y compris au sein de l'appareil d'Etat. Et pour cause, tandis que la nouvelle ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a confirmé fin mai la volonté du gouvernement de freiner sur les éoliennes terrestres au profit de leurs homologues en mer, l'Ademe, placée entre autres sous sa tutelle, s'accroche à l'ambition d'un déploiement massif des géants à pales sur le territoire.
Car leur « potentiel technique » reste « largement sous-exploité », fait valoir l'agence dans un avis rendu mercredi 1er mai. Autrement dit, alors que la France accuse déjà un retard sur ses objectifs, l'exécutif ne doit pas s'asseoir sur la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) adoptée en 2019, qui prévoit un doublement du rythme actuel d'implantation des parcs terrestres d'ici à 2028, défend l'Ademe bec et ongle. « Le cap est clair », assure-t-on dans ses rangs : « il faut poursuivre la pénétration des énergies renouvelables, qui deviendront la principale source d'énergie ».
Un impact très faible sur la valeur des biens immobiliers
Bien décidée à rassurer un gouvernement de plus en plus frileux, l'Ademe s'est ainsi armée d'arguments solides. Parmi lesquels un rapport sur les coûts des moyens de production d'énergie dans l'Hexagone, publié lui aussi ce mercredi, qui conclut que « pour les nouvelles installations de production d'électricité, toutes technologies confondues, l'éolien terrestre en France présente parmi les coûts complets de production les plus faibles ». Surtout, d'ici à 2030, ces derniers devraient atteindre « environ 32 à 58 euros par mégawattheure (MWh) » seulement, quand ceux que l'éolien offshore restent pour le moins incertains, note l'Ademe.
Et ce n'est pas tout : afin de couper court à un argument récurrent dans le débat public, celle-ci a également présenté une étude inédite sur l'effet des parcs éoliens sur le prix des biens immobiliers alentour. Résultat : alors qu'un collectif d'associations anti-éoliennes, la Fédération environnement durable, avait calculé en 2019 les pertes de valeurs à minimum 20% en moyenne, l'Ademe conclut elle à un impact minime, de l'ordre de -1,5% par mètre carré dans un rayon de 5 kilomètre autour d'une éolienne... « et nul au-delà ». Soit une influence « du même ordre que celle d'autres infrastructures essentielles », comme les pylônes électriques, les antennes relais, les centrales thermiques ou encore les incinérateurs et autres décharges, souligne l'agence.
Réalisée par le cabinet de conseil IAC Partners et le réseau d'agences immobilières Izzimo, l'étude s'appuie notamment sur les données des ventes immobilières entre 2015 et 2020, comprenant plus de 1,5 million de transactions de maisons individuelles. « Afin d'isoler l'impact de l'éolien des autres facteurs influant sur les prix, ces chiffres ont été comparés avec des groupes témoins », précise-t-on à l'Ademe.
Reste que les conclusions doivent être observées en tenant compte des marges d'erreur des estimations immobilières, qui varient de plus ou moins 10% sur un marché peu actif tel que le marché en zone rurale. Par ailleurs, pour certains cas spécifiques, notamment les biens d'exceptions (château, manoir...) ou ceux très proches des parcs (moins d'1 km), la décote varierait entre 5 et 20%, selon les témoignages recueillis auprès de professionnels de l'immobilier. Des « ordres de grandeur » non corroborés « par des éléments quantitatifs », nuance cependant l'Ademe.
« À titre de comparaison, les transactions de maisons dont le prix est supérieur à 700 000 euros représentent 1 % des transactions de maisons en France métropolitaine entre 2015 et 2020 », précise le rapport.
Résistances locales
Il n'empêche, les fortes résistances locales continuent de freiner plusieurs projets, notamment dans le nord de la France. En témoigne la décision récente de la Région Hauts-de-France, dirigée par l'anti-éolien notoire Xavier Bertrand, de subventionner à hauteur de 170.000 euros les associations opposées à l'implantation de nouveaux parcs - une promesse de campagne formulée dès mars 2021 par l'homme politique pour sa réélection à la tête de la Région.
Consciente de ces oppositions, l'Ademe défend de son côté une « meilleure répartition des projets sur le territoire ». Et mise sur leur « appropriation » par les citoyens, via la « concertation lors du montage », « l'intégration environnementale et paysagère » et « l'investissement participatif ». Mais son plaidoyer risque d'avoir l'effet d'un coup d'épée dans l'eau, tant le gouvernement semble désormais résolu à faire machine arrière.
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