
Le chiffre donne des sueurs froides. 92% de la population mondiale vit aujourd'hui dans une zone où la concentration de particules dans l'air est supérieure aux valeurs préconisées par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). En France, la pollution serait responsable de 40.000 décès par an et d'une baisse de l'espérance de vie de près de huit mois, selon Santé Publique France. Lors du premier confinement, en 2020, 2.300 décès avaient pu être évités en raison de la baisse des émissions du trafic routier et du recours massif au télétravail, qui a réduit l'exposition des populations aux particules fines.
Un enjeu sanitaire majeur
La réduction de la pollution de l'air est donc un enjeu sanitaire majeur et un facteur déterminant de la qualité de vie de millions de Français. Dans la lignée de la Loi Climat et Résilience adoptée définitivement par le Parlement mardi 20 juillet, le ministère de la transition écologique souhaite élaborer une politique de lutte active contre les émissions de particules fines, cancérigènes pour l'Homme.
Les deux polluants majeurs ciblés par le ministère sont ainsi les oxydes d'azote, émis par le trafic routier, et les émissions de particules fines, pour laquelle la France, mauvaise élève, a été attaquée par la Commission européenne devant la Cour de Justice de l'Union, afin de la contraindre à se plier aux réglementations en vigueur.
Le chauffage au bois, premier émetteur de particules fines
Le chauffage au bois domestique constitue le principal émetteur de particules fines en France, représentant à lui seul 50% des émissions de particules du pays. Si la ressource en bois est souvent perçue comme durable, le chauffage au bois peut en revanche se révéler désastreux pour la qualité de l'air lorsque la combustion est effectuée dans de mauvaises conditions. L'hiver, la pollution est encore plus marquée, car les fortes émissions de particules sont couplées avec la formation d'une couche d'inversion empêchant le brassage atmosphérique.
On estime ainsi qu'un feu de deux heures réalisé dans une vieille cheminée émet autant de particules fines que le pot d'échappement d'un vieux véhicule diesel lors d'un trajet de 2.000 kilomètres. Le ministère de la transition écologique ambitionne donc de rendre le chauffage au bois domestique plus efficace et plus performant.
Pour réduire les émissions de particules fines issues du chauffage au bois domestique, le ministère a décliné un plan d'actions en trois volets principaux: accélérer le renouvellement des vieux appareils de chauffage, sensibiliser le grand public et utiliser des combustibles de meilleure qualité.
Accélérer le renouvellement des appareils de chauffage au bois
La pollution liée au chauffage domestique au bois est majoritairement due aux appareils anciens et peu performants (vieilles cheminées à foyer ouvert, vieux poêles de chauffage au bois). Le ministère de la transition écologique souhaite donc remplacer 600.000 anciens appareils de chauffage d'ici à 2025 par des poêles performants (label flamme verte) et installer des inserts dans les cheminées à foyer ouvert. Celles-ci sont en effet très polluantes: si elles constituent seulement 10% des équipements à l'échelle nationale, elles sont responsables de 21% des émissions totales du chauffage au bois domestique.
La transition à des appareils plus performants sur le plan énergétique devrait ainsi permettre de diviser par dix les émissions de particules fines. Pour catalyser ce renouvellement, le Ministère mise sur les dispositifs d'aide à la rénovation énergétique des logements, qui permettent, selon lui, de couvrir jusqu'à 90% du coût du chauffage au bois pour les ménages les plus modestes. Les particuliers, qui peuvent notamment accéder à MaPrimeRénov et CEE, et recevoir des aides au niveau local via les fonds Air Bois, pourront désormais en bénéficier dès la facturation du nouvel équipement.
Sensibiliser sur l'impact du chauffage au bois sur la qualité de l'air
Le second levier d'action du ministère de la transition écologique relève de la sensibilisation du grand public sur l'impact du chauffage au bois avec des appareils peu performants. À cette fin, le ministère prévoit donc de lancer une campagne de communication en amont de chaque période de chauffe, souvent démarrée en octobre. L'objectif? Donner quelques conseils pratiques visant à accompagner les Français dans leur transition énergétique : par exemple, utiliser des bûches séchées au préalable, allumer son feu par le haut ou éviter de laisser la cheminée fonctionner au ralenti la nuit.
Plusieurs éléments à vocation pédagogique seront également fournis aux Français, comme une fiche de recommandations lors du diagnostic de performance énergétique (DPE), obligatoire lors de l'achat d'un logement. Les particuliers propriétaires de vieilles cheminées seront également sensibilisés lors du ramonage, qui sera d'ailleurs rendu obligatoire pour l'ensemble des vieilles installations par un texte au niveau national.
Promouvoir l'utilisation d'un combustible de qualité
Alors qu'il existe aujourd'hui un large panel de labels attestant de la qualité d'un combustible et de son origine (exemple: issu de forêts gérées durablement), le ministère de la transition écologique compte en développer un nouveau applicable à l'échelle nationale. Des travaux seront menés dans les 12-18 mois à venir afin de permettre au consommateur d'avoir une vision plus claire.
Par ailleurs, le ministère de la transition écologique va encadrer plus strictement la vente de bois de chauffage, afin de s'assurer qu'il ait été séché au moins 18 mois dans de bonnes conditions avant d'être vendu sur le marché. L'utilisation d'un bois avec un plus faible taux d'humidité -inférieur à 20%- devrait permettre de réduire significativement les émissions de particules lors de sa combustion. Ainsi, un bois de chauffage ayant un taux d'humidité de 20% peut réduire les émissions de particules fines (PM2,5) de 75% par rapport à un bois ayant un taux d'humidité de 30%.
Un travail main dans la main avec les préfets dans les zones PPA
En outre, le ministère envisage également des mesures à géométrie variable en fonction du niveau de pollution des territoires. Conformément à la Loi Climat et Résilience, les préfets opérant dans les 35 zones les plus polluées de France, couvertes par un plan de protection de l'atmosphère (PPA), devront ainsi prendre, d'ici le 1er janvier 2023, des mesures locales supplémentaires. Leur mission ? Réduire de moitié les émissions de particules fines issues du chauffage au bois résidentiel à horizon 2030, par rapport à 2020.
Pour y parvenir, les préfets ont la possibilité d'encadrer l'utilisation des appareils existants, en développant plus rapidement l'installation d'inserts pour les cheminées ou en interdisant les cheminées à foyer ouvert lorsque nécessaire. Celles-ci ont d'ores et déjà été déclarées interdites à partir du 1er janvier 2022 dans la Vallée de l'Arve et sont bannies chez certains voisins, comme en Angleterre, où la ville de Londres a par exemple sauté le pas.
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