Saft en procès en divorce contre son allié américain Johnson Controls

Rien ne va plus entre le fabricant français Saft et son allié américain Johnson Controls, leader mondial des batteries automobiles : Johnson a intenté mercredi une action en justice pour dissoudre leur joint-venture créée en 2006, Johnson Controls-Saft (JCS), dédiée à la fabrication à grande échelle des batteries lithium-ion pour les véhicules électriques. L'alliance semblait idéale : Saft, qui développe des batteries lithium-ion depuis plusieurs dizaines d'années mais quasiment absent du secteur auto, apportait sa technologie, et Johnson lui offrait l'accès au marché automobile mondial.
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Le mariage avait bien commencé, avec une grande ambition sur les voitures hybrides et électriques dans le monde), et de premiers contrats aux Etats-Unis et même en Chine. Et surtout Johnson et Saft ont reçu du Département de l'Energie 395 millions de dollars pour deux usines: une usine pour la joint-venture dans le Michigan, mais aussi une usine 100% Saft à Jacksonville, en Floride, dédiée aux grands systèmes de stockage de l'énergie hors automobile - surtout pour les avions, les véhicules militaires et le stockage des énergies renouvelables.

Johnson Controls veut s'étendre hors auto
Devant la lenteur du marché des véhicules électriques, le géant américain a voulu étendre l?activité de la joint venture à ces autres marchés prometteurs pour les batteries électriques, hors auto : les grands parcs solaires ou éoliens, voire le marché résidentiel, pour les maisons équipées en panneaux PV ou en éoliennes, où les besoins de stockage pour « lisser » la production des énergies nouvelles intermittentes se font de plus en plus sentir. Selon Pike Research, le marché des batteries pourrait ainsi passer de 1,5 milliard de dollars cette année, à 35,2 milliards dans 10 ans (1,2 à 27,5 milliards d'euros).
Impossible pour Saft, qui développe ce secteur seul depuis longtemps avec de grands espoirs, d?accepter d?apporter ses technologies à une JV qui le concurrencerait directement.
Bref, Johnson Controls, qui détient 51% de la JV, explique ainsi que le litige se fonde sur son souhait d'étendre le périmètre d'activité de la joint-venture JCS au-delà des limites fixées par le contrat de 2006. Saft a répondu qu'il s'y opposerait, faute de motif légitime à la dissolution.
"Johnson Controls et Saft sont en profond désaccord sur la direction à venir et la portée qu'il convient de donner à la joint venture. Le secteur évolue rapidement et les investissements nécessaires pour prendre la tête de ce marché nous obligent à nous impliquer davantage que ce que la joint venture n'a pu ou ne peut faire." "Cette action reflète notre envie de longue date de devenir un leader du secteur des batteries avancées", a expliqué dans un communiqué Alex Molinaroli, président de Johnson Controls Power Solutions.

Récupérer les usines françaises et américaine
Le désaccord semble insurmontable. Ce que le procès doit déterminer sera le sort des actifs de la JV, en premier lieu l?usine ouverte en 2009 par les deux partenaires à Nersac, qui a été la première usine mondiale de production en série de batteries lithium-ion pour l?automobile, ainsi que l'usine du Michigan.
Saft a tout intérêt à récupérer les usines de la JV tout en cherchant un autre partenaire industriel dans l?automobile, qu'il soit équipementier ou constructeur. De son côté Johnson Controls, qui se voit pousser des ailes dans le marchés hors auto, a tout intérêt à tuer un concurrent potentiel.
La JV a réalisé un chiffre d?affaires de 53,8 M$ en 2010 (non consolidé chez Saft). L?usine du Michigan, qui a démarré en septembre 2010 avec un premier atelier d?assemblage de batteries, fournit déjà Azure Dynamics et Ford (BMW, Mercedes ainsi que des flottes tests de VW, Jaguar, Land Rover étant livrés par l?usine française)? Elle a demandé 300 millions de dollars d?investissements, dont 150 M apportés par le DOE. Le chiffre d?affaires prévu par l?usine, selon Saft, est de 175 M $ de ventes en 2012-2013, avec à cette date un résultat d?exploitation en équilibre.
Même s?il perd son encombrant allié américain, dans l?affaire, Saft en sortira de toute façon gagnant. Car le groupe français a commencé à Nersac à développer un tout-nouveau savoir-faire dans le domaine auto ? Mercedes lui a fait réaménager toute son usine ? et surtout s?est bâti un outil industriel aux Etats-Unis : il a été l?un des rares groupes étranger à décrocher une double subvention du Département de l?énergie. Près de 300 millions ont été injectés, dans l?usine de la JV dans le Michigan, et 100 millions environ ont permis à Saft de financer son usine de Jacksonville. Et en bonus, fort de ses projets américains, Saft avait pu réaliser fin 2009 une augmentation de capital de 120 millions d'euros.
L?usine de Jacksonville doit démarrer ses premières ventes fin 2011, avec un chiffre d?affaires de 100 M $ par an pour commencer, et un objectif de 200 M en 2015 pour une marge d?EBITDA de 15%.
Le groupe français compte sur d?autres marchés que l?automobile : il fournit déjà par exemple une bonne partie des batteries de secours des trains et des avions, et s?intéresse aux marchés des bateaux, puisque bientôt la législation française des ports obligera les bateaux à entrer en sortir des ports sur un moteur électrique. Et il fournit aussi les piles pour les compteurs électriques, gaz et eau intelligents, avec de premiers contrats en Chine et au Brésil.

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Commentaire 1
à écrit le 03/09/2015 à 10:28
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intéressant la stratégie des deux groupes. En meme temps, les américains n'ont jamais la volonté de partager un business.

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