Comment ils préparent leurs plans sociaux

Arcelor Mittal, Faurecia, PSA, Valéo? Au fur et à mesure que la conjoncture se détériore, les annonces de plans sociaux se multiplient. Mais, en France, on ne licencie pas du jour au lendemain. Le droit du travail oblige les entreprises à suivre une procédure très stricte les obligeant à s'entourer d'avocats et de cabinets spécialisés en communication ou en stratégie sociale. Selon Bruno Gourevitch, président du cabinet Altaïr Conseil, il n'y a pas de stratégie unique?: « Tout dépend de la taille de l'entreprise, de son secteur, de son activité, du bien-fondé perceptible du plan, des catégories de personnel concernées? Il est donc nécessaire de s'adapter, d'établir une cartographie des relais d'opinion internes et externes, mais aussi d'être prudent pour prévenir les attaques de la concurrence ou les campagnes de dénigrement. »délit d'entraveEn effet, le droit français n'autorise pas les entreprises à communiquer sur leurs projets de restructurations tant qu'elles n'ont pas négocié avec les partenaires sociaux, sous peine de commettre un « délit d'entrave ». Les sanctions peuvent aller jusqu'à l'invalidation du plan. « Mais respecter la législation à la lettre peut causer du tort à l'entreprise, dans le sens où l'information risque d'être amplifiée et déformée par les représentants du personnel. Pour conserver leur légitimité, ils se doivent de protester haut et fort », analyse Yves Jambu-Merlin, partenaire associé chez Euro-RSCG. Il préconise donc de rester aussi flou que possible jusqu'à la dernière minute. « Nous avons réuni un CE exceptionnel une semaine avant l'annonce officielle pour l'informer du projet de restructuration, sans entrer dans tous les détails. Il faut obligatoirement mentir par omission jusqu'au bout », assure le directeur d'une usine spécialisée dans le plastique, qui a dû procéder à un plan social il y a un an et licencier 170 salariés. Cela suppose d'avoir les nerfs solides. Dès l'instant où les représentants des salariés reçoivent une convocation, en général trois jours avant l'annonce, les rumeurs prennent une ampleur sans précédent. Le climat dans l'entreprise devient détestable.Surtout si les plans sociaux sont perçus comme illégitimes. Depuis 1993, ils peuvent d'ailleurs être invalidés si la justice considère qu'ils ne sont pas économiquement justifiés. C'est ce qui est arrivé chez Goodyear à Amiens en novembre dernier. Le tribunal de Nanterre a suspendu les 402 suppressions de postes prévues suite au refus des 4 x 8 par des syndicats. « Il s'agit d'un des jugements les plus favorables aux salariés de ces dix dernières années », se félicitait, à l'issue de l'audience, Mickaël Wamen, élu CGT.La justice n'est pas la seule à pouvoir mettre à bas une restructuration mal ficelée. Il faut aussi se méfier de la façon dont la presse va relayer l'information. Notamment sur le plan local. « Les correspondants sont les journalistes les plus importants, car ce sont eux qui font le plus de pages et qui sont le plus lus par les gens de l'entreprise », estime Sylvain Visconti, président de MGVM Consultants.Tous ceux qui conseillent les entreprises dans la gestion de la communication autour d'un plan social soulignent l'importance des mots qui sont prononcés par l'ensemble des responsables de l'entreprise. Il est essentiel de « s'adresser à l'ensemble des salariés, ceux qui partent et ceux qui restent », confirme Catherine Desgrandchamps, directrice du département communication sociale de la société Altedia. « Ajuster le message pour ces deux populations est compliqué, mais garder les équipes motivées est un enjeu crucial?! Cela nécessite beaucoup de pédagogie?! »reclassementPour cela, le dialogue est fondamental. Des structures spécialisées dans l'accompagnement des salariés ont fleuri depuis que la loi oblige les entreprises à installer des dispositifs de reclassement. « Nous mettons en place des numéros verts d'écoute et des points info pour être aux côtés des gens et répondre à leurs besoins », explique Éric Beaudouin, fondateur d'Oasys Consultants. « Nous étudions la transférabilité des compétences grâce à des bilans personnalisés. » Son objectif?: le retour à l'emploi des salariés, qu'il s'agisse d'outplacement ou de mobilité interne. En cas de délocalisation, l'entreprise se doit de leur proposer tous les postes libres. Il y a une quinzaine d'années, la Cour de cassation a annulé le projet de restructuration initié par Thompson Vidéocolor qui n'avait pas proposé de postes à ses salariés lyonnais dans ses nouvelles usines au Brésil. Depuis, les entreprises prennent bien soin de proposer à leurs salariés des postes dans le pays où elles délocalisent tout ou partie de leur activité, sachant pertinemment qu'ils n'accepteront pas de déménager dans un pays où leur salaire sera divisé par dix. n
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