Les Polonais quittent Londres

Kris Ruszczynski n'a plus qu'à se croiser les bras et à attendre des jours meilleurs. Le patron de Polonia Business, une entreprise de construction située à Londres, voit progressivement sa main-d'?uvre disparaître. Lui qui n'emploie que des Polonais (« ils travaillent dur et ne se plaignent pas tout le temps ») a vu la moitié de ses 50 ouvriers rentrer au pays depuis un an.Entamé il y a quelques mois, l'exode s'est accéléré avec la crise. « J'ai dû demander à mes ouvriers de ne pas revenir après Noël parce qu'on n'a pas assez de commandes pour cette année. » La gigantesque vague d'immigration des Européens de l'Est en Grande-Bretagne est en train de se retourner, ce qui s'avère une excellente nouvelle pour l'économie britannique. Quand celle-ci avait besoin de main-d'?uvre supplémentaire, les Polonais étaient présents. Maintenant que le chômage augmente, leur départ peut servir de tampon amortisseur pour la population britannique. D'autant que Londres, à l'instar de la plupart des capitales d'Europe occidentale, n'a pas levé au 1er janvier ses restrictions à l'égard des travailleurs bulgares et roumains.L'afflux initial des Polonais avait surpris par son ampleur. En ouvrant intégralement ses frontières aux travailleurs de l'Est lors de l'élargissement européen en 2004, la Grande-Bretagne s'attendait à voir arriver une dizaine de milliers d'immigrés. Ils ont été près de 1 million, dont environ 600.000 Polonais !Jeunes, généralement sans enfant, ils sont très prisés par les employeurs britanniques, aussi bien dans l'agriculture que la distribution, en passant par le BTP et les services aux personnes. Tony McNulty, à l'époque secrétaire d'État à l'Immigration, s'en félicitait ouvertement : « On peut enfin trouver un plombier le week-end. »RefluxMais, depuis la fin 2007, l'afflux s'est stabilisé. Au troisième trimestre, le nombre de nouveaux arrivants d'Europe de l'Est était en baisse de 31 %. Quant à ceux qui partent, impossible de savoir avec certitude leur nombre, puisqu'ils n'ont pas l'obligation de le déclarer. « Il y a beaucoup d'indices qui montrent que peu de ces migrants ont l'intention de s'installer de façon permanente », explique Philip Whyte, chercheur au Center for European Research, dans un récent article économique intitulé, avec un humour très britannique, « Adieu, plombier polonais ». « Leur objectif n'est pas de construire une nouvelle vie à l'étranger, mais une meilleure vie chez eux. »Kris Ruszczynski confirme. « Leur vie ici n'était que boulot. Ils sont fatigués et certains ont mis assez d'argent de côté pour s'acheter une petite maison. Ils peuvent donc rentrer et accepter une baisse de leur salaire, puisqu'ils n'ont plus de loyer à payer. » Pour Jan Mokrzycki, président de la Fédération des Polonais de Grande-Bretagne, la période des fêtes a marqué un tournant. « Tous sont rentrés à Noël parce que c'est une fête très importante pour les Polonais. Beaucoup pourraient ne pas revenir. »Éric Albert, à Londre
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