« La relance, ce n'est pas simplement le béton

Jugez-vous le gouvernement assez audacieux dans le soutien apporté aux PME menacées par la crise ?Au cours des douze derniers mois, il y a eu une vraie implication. Les annonces faites par le président Sarkozy à Versailles me semblent aller tout à fait dans le bon sens. En tant que citoyen, je considère qu'il était logique que le gouvernement mette en place, en première étape, un plan pour sauvegarder un certain nombre d'industries, non pas condamnées, mais subissant le choc du contexte actuel. Mais contribuer à la relance, c'est aussi se projeter pour soutenir et développer les industries porteuses d'avenir. Nous avons rencontré Nathalie Kosciusko-Morizet et lui avons demandé de plaider auprès de son collègue Patrick Devedjian que la relance, ce n'est pas simplement « le béton et la bagnole ». Elle a obtenu le volet numérique de 800 millions d'euros, ce qui est un bon premier pas, mais qui, pour nous, est un peu trop focalisé sur les infrastructures et pas assez sur la notion d'usage. Avec le grand emprunt destiné à financer des « activités d'avenir », nous avons enfin le troisième étage de la fusée. Évidemment, nous plaçons les logiciels parmi les industries d'avenir. Et pas par corporatisme, car c'est l'enjeu de l'économie de la connaissance. Tout le monde comprendra qu'un euro donné à un éditeur de logiciels a plus de « valeur », et ce n'est pas un jugement, qu'un euro donné pour faire un rond-point, parce que, derrière, il y a de la recherche et du développement, du travail pour les sociétés de services ? déploiement des logiciels chez les clients, formation des collaborateurs, etc. ? et pour les infrastructures, et enfin de la productivité liée aux usages pour les entreprises et les particuliers.Mais quand on donne un euro pour un logiciel, on prend le risque de donner un euro à des entreprises qui ne sont pas françaises.Vous êtes au c?ur d'un sujet que nous avons largement abordé : le retard de la France dans le domaine des TIC, et du logiciel en particulier. Voilà pourquoi nous avons beaucoup travaillé pour mettre en exergue deux axes essentiels à nos yeux, côté public et côté privé. Côté public, c'est le fameux « small business act » à l'européenne, qui a fait l'objet de l'excellent rapport en 2007 de Lionel Stoléru. Ce qui a été mis en place dans le cadre de la loi de modernisation de l'économie (une recommandation forte) peut être acté immédiatement et va dans le bon sens. Il faut que les administrations publiques et centrales arrêtent de faire des appels énormes. Les projets monstrueux dérivent toujours ; ainsi, découper par lots les appels d'offres donne non seulement leur chance aux PME, mais constitue aussi un gage de réussite du projet. Il faut aussi fortement inciter ceux qui répondent aux grands appels d'offres du secteur public ? les grands intégrateurs dans notre métier ? à prouver qu'ils ont fait appel à des éditeurs de taille moyenne, donc de fait à des éditeurs français. Côté donneurs d'ordre privés, c'est le pacte PME, porté par le comité Richelieu, pacte auquel un certain nombre de grands groupes ont adhéré. Nous serons extrêmement vigilants pour voir comment, dans la filière des logiciels, ce pacte est appliqué. Cegid, Berger-Levrault et toutes les PME et start-up du logiciel se trouveraient renforcés par cette deuxième source de cash-flow. Je note enfin que, contrairement aux entreprises anglo-saxonnes qui apprécient d'avoir un logiciel standard car cela contribue à la standardisation des process internes, les entreprises françaises préfèrent trop souvent faire développer leur propre application. Cette curieuse propension au « sur-mesure » a mis des semelles de plomb à l'industrie du logiciel au cours des dix, quinze dernières années.Le cours de Cegid a bien progressé depuis le début de l'année. Le niveau de votre dividende y est-il pour quelque chose ?Plus encore que la confiance dans le fait que nous allons mieux résister que les autres, il s'agit d'une correction par rapport à un cours qui était anormalement bas. Quant au niveau du dividende, il s'inscrit aussi dans le débat né à l'occasion de la publication du rapport Cotis sur le partage des profits. La position prise par le conseil d'administration me semble la bonne. Cegid compte en effet 10.000 personnes physiques actionnaires. Vous ne pouvez pas dire à des épargnants qui n'ont pas vendu, n'ont pas fait d'allers-retours sur le titre que, faute de visibilité et malgré les bons résultats engrangés en 2008, le dividende va être revu à la baisse. Certes, pour celui qui a acheté très bas, le rendement est de fait très élevé, mais nous nous devons aussi d'assurer un retour sur investissement et une rémunération du risque, à tous ceux qui ont acquis leurs titres à des cours d'avant la crise financière.Êtes-vous hostile au partage de la valeur en trois tiers prôné par le président Sarkozy ?Partager en trois tiers ne serait pas très logique. Les actionnaires qui apportent leur financement en capital ne peuvent, en effet, être rémunérés qu'au moment de la répartition des profits, alors que les salariés ont déjà perçu un salaire en échange de leur force de travail. On doit cependant pousser la dynamique de l'intéressement et de la participation qui sont des éléments de motivation essentiels dans le management d'une entreprise. Rehausser cette part-là me paraît tout à fait légitime. Cela suppose bien sûr que cet intéressement aux bénéfices ne soit pas soumis à l'impôt et soit exonéré de cotisations sociales.La fin du droit à la retraite à 60 ans vous semble-t-elle une piste pour réduire le déficit ?La priorité, c'est qu'on pérennise, si cela est encore possible, le système de protection français dans son ensemble : retraite, assurance-maladie et politique familiale. Les gouvernements précédents avaient bien posé le sujet, et pour certains d'entre eux agi. Le gouvernement actuel tente d'avancer sur le sujet des retraites. Mais la vraie question, c'est que la France a déjà un problème d'emploi pour les quinquas ! Repousser l'âge de la retraite entraînera un vrai challenge pour les DRH et les directions d'entreprise. Comment fait-on pour maintenir la qualité, l'épanouissement et le profil professionnel de personnes qui, naturellement, s'étaient situées dans une logique de départ à 60-62 ans. Les DRH parlent, dans leur jargon, de la « démission inconsciente ». C'est un vrai sujet.Recruteriez-vous quelqu'un de plus de 55 ans aujourd'hui ?Si le poste proposé est en adéquation en termes de salaire et de compétences, oui, sans hésiter. D'autant plus que quelqu'un de 55 ans ne joue plus une carrière et développe une vraie compétence, ce qui, à l'intérieur d'une entreprise, apporte beaucoup. Peut demeurer cependant un problème : le salaire demandé ! D'où cette idée personnelle : si l'on veut favoriser leur recrutement, pourquoi ne pas imaginer une prise en charge progressive d'une partie de la « surrémunération » des seniors par les Assedic.Vous semblez très impliqué dans des problématiques qui ne concernent pas que Cegid. Seriez-vous tenté d'avoir une responsabilité au sein d'un mouvement patronal ?Il y a trois ans, nous avons créé l'Association française des éditeurs de logiciels qui regroupe les principaux éditeurs français, Dassault Systèmesave;mes, Cegid, Berger-Levrault, et de nombreuses PME et start-up. J'ai eu la chance et l'honneur d'en être nommé président il y a trois ans. Pour moi, les dirigeants d'entreprise ne montent pas assez au créneau pour s'exprimer sur des sujets qui les concernent collectivement.
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