Scènes de la vie

Ces deux-là ne pouvaient pas couler avec le « Titanic ». Dix ans après la sortie du film mythique de James Cameron, Leonardo DiCaprio et Kate Winslet se retrouvent devant la caméra de Sam Mendes. Un événement en soi. Mais plus encore parce que ces « Noces rebelles » s'imposent comme un drame conjugal d'une rare justesse sur l'effritement du couple, offrant enfin à DiCaprio le rôle de la maturité.Nous sommes à l'orée des fifties. Comme tous les jeunes mariés, April et Frank se promettent de ne jamais laisser leur couple sombrer dans la routine. De se dire les choses, même si elles sont difficiles à entendre. Et de toujours vivre en accord avec leurs idéaux de jeunesse. Aux yeux de leurs amis ou de leurs voisins, ils apparaissent comme un couple modèle et envié. Deux enfants, une maison en banlieue new-yorkaise et, quelques années plus tard, il faut se rendre à l'évidence. Rattrapés par le quotidien, Frank et April accumulent les frustrations, jusqu'à ne plus pouvoir se supporter. Sam Mendes n'est jamais aussi pertinent que lorsqu'il se focalise sur la banlieue américaine, comme cela avait déjà été le cas avec « American Beauty ». Il en montre ici l'émergence physique et idéologique. Car c'est bien la famille dans ce qu'elle a de plus traditionnel et de plus étouffant que glorifient ces maisons proprettes sagement alignées le long des routes. Toutes sont impeccablement tenues par des ménagères en tablier, abandonnées à elles-mêmes pendant que leurs maris, habillés à l'identique avec leurs costumes bleus et leurs chapeaux s'en vont, en troupeau compact, travailler en ville.Mais avant d'ausculter la banlieue, « les Noces rebelles » dissèquent la vie de couple et la manière dont chacun essaye d'y trouver sa place. April cherche à prendre son autonomie, tandis que Frank se sent diminué, jusqu'à perdre pied. Lassitude, mensonge, passion qui s'étiole? Tout y passe. D'autant que Mendes brasse des thèmes aujourd'hui aussi subversifs pour le cinéma hollywoodien que l'avortement, le féminisme, l'indépendance des femmes.adapté d'un romanTrès vite, la relation entre April et Frank vire au cauchemar. Mais il n'y a ici ni méchant, ni gentil. Seulement des victimes du quotidien. Et si le film est adapté d'un roman au titre éponyme de Richard Yates, on ne peut s'empêcher de penser aux affrontements narrés par Edward Albee dans « Qui a peur de Virginia Woolf ? ».Le réalisateur, également brillant metteur en scène, filme ses personnages au plus près, de manière assez théâtrale, sans artifices, avec une certaine économie de moyens, jouant de la lumière comme s'il s'agissait d'effets spéciaux. Et plus les relations se durcissent entre les deux héros, plus Mendes les éclaire. Jusqu'à les entourer d'un halo.Leonardo DiCaprio et Kate Winslet trouvent incontestablement là leurs plus beaux rôles. Lui a enfin l'occasion de sortir de son image de gamin. À l'image des plus grandes comédiennes d'Hollywood, elle parvient à trouver le juste équilibre entre la femme sophistiquée et « la fille d'à côt頻. Il fallait bien dix ans à ces deux-là pour y arriver. n
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