Comment Dubaï apprend à vivre avec la crise

Yann-Antony Noghès à DubaïDes milliers de voitures de leasing ont été abandonnées sur le parking de l'aéroport de Dubaï? Leurs propriétaires, des étrangers ayant perdu leur emploi à cause de la crise, sont repartis chez eux sans billet de retour. Couverts de dettes, ils risquaient la prison ferme. Après des années de croissance vertigineuse, Dubaï, la capitale économique des Émirats, entame une véritable traversée du désert. On est loin de la « mégaparty », en novembre dernier, pour l'inauguration de l'hôtel Atlantis, construit sur une île artificielle en forme de palmier. En pleine crise, les téléspectateurs du monde entier avaient pu voir 16 millions d'euros partir en fumée dans un feu d'artifice grandiose pour les uns, indécent pour les autres.Dubaï, la ville sortie du sable comme par pétro-magie et devenue un symbole mondial du consumérisme, tourne au ralenti. « L'ambiance est devenue pesante dans les malls », constate Patrick, un expatrié britannique. La région compte une quarantaine de ces temples de la consommation, qui peuvent abriter jusqu'à 200.000 mètres carrés de boutiques. Dans le Mall of the Emirates, où se trouve la célèbre piste de ski artificielle, Patrick trouve la clientèle « moins stylée » qu'auparavant, et les vendeurs « moins souriants ». Les amateurs de luxe à tout prix se sont mués en chasseurs de bonnes affaires. Selon un commerçant, la vente des produits de luxe a chuté de 30 % en un an. Les promotions « ? 60 % » et autres « buy one, get one free » fleurissent et les vendeurs dégainent rapidement leur calculette pour proposer des remises.Si le shopping souffre, l'immobilier agonise. Les prix de vente ont été divisés par deux en un an. La plupart des projets ont été suspendus. La cadence des chantiers de gratte-ciel commencés avant la crise s'est considérablement ralentie. « Il y a six mois, les ouvriers faisaient les trois-huit, ils travaillaient jour et nuit », explique un agent immobilier, « à présent, ils ne travaillent plus qu'un seul « shift », en journée ». Un peu de répit pour ces 700.000 immigrés, souvent comparés à des esclaves. Les loyers résidentiels ont également fortement baissé : « Les studios, qui partaient il y a un an pour 1.200 euros par mois, sont maintenant à moins de 700 euros », explique l'agent. Selon Asteco Property Management, les loyers ont chuté au dernier trimestre de 22 % pour les appartements, et de 34 % pour les villas. Optimisme obligatoire« Avec la crise, je ne transporte presque plus d'hommes d'affaires », se lamente de son côté Zakaria, chauffeur de taxi. « Le plus gros de ma clientèle, ce sont des touristes qui vont dans les hôtels en bord de mer, qui bradent leurs chambres. » Zakaria risque d'avoir encore plus de raisons de se plaindre cet été. Les touristes vont se raréfier avec la montée de la chaleur, au-delà des 50 degrés?Les Émirats souffrent à la fois de la crise et des prix bas du pétrole. Mais, les autorités de Dubaï en sont convaincues, ce n'est qu'un mauvais moment à passer. À la télévision, les reportages débordent d'optimisme : « Ceux qui ont perdu leur job se replongent dans les livres plutôt que dans les offrent d'emploi », explique une journaliste. Elle interroge ensuite un universitaire qui assure que cette crise n'est qu'une parenthèse et s'avère « une opportunité formidable de développer le capital humain des Émirats ». Une confiance qui n'est peut-être pas étrangère à un projet de loi gouvernemental sur les médias. Celle-ci pourrait transformer en délit toute « publication d'informations erronées pouvant nuire à l'économie nationale »?
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