Centelles, un Leica dans la guerre d'espagne

expositionCarcassonne 1944. Un réseau de républicains espagnols réfugiés en France est démantelé. Agusti Centelles, le photographe chargé de leurs faux papiers parvient heureusement à échapper à la Gestapo. Mais il sait ses jours en danger. L'homme confie alors ses archives à la famille qui l'héberge et rentre clandestinement en Espagne. Il lui faut attendre la mort de Franco pour revenir à Carcassonne en 1976, afin de récupérer ses tirages et ses négatifs.Une centaine de ces images exceptionnelles, réalisées entre 1936 et 1939 pendant la guerre civile, présentées dans un ordre chronologique fait aujourd'hui l'objet d'une exposition inégale mais néanmoins passionnante au Jeu de Paume à Paris (site Sully). Passionnante parce qu'elle raconte ce conflit de l'intérieur, donne à voir sa complexité et ses implications. Inégale parce que desservie par un mauvais éclairage et des cartels parfois indigents. D'où l'intérêt de se reporter à l'ouvrage édité par Actes Sud qui permet souvent de mieux appréhender les tirages (présentés en plus grand nombre), et d'en savoir plus sur le photographe.Né en 1909 à Valence, Agusti Centelles s'est engagé aux côtés des républicains dès le coup d'État de Franco et de ses sbires le 18 juillet 1936. courage et ferveurLe lendemain, il est d'ailleurs le seul photographe présent dans le centre-ville aux côtés des miliciens occupés à repousser les insurgés. Son Leica lui permet d'aller au c?ur des combats menés par cette armée de fortune composée d'hommes en chemisette ou en cravate.C'est leur courage que s'attache à montrer le photographe. Leur ferveur aussi. Comme dans cette célèbre image d'un milicien à moustache partant pour le front, accompagné par sa femme tenant un nouveau-né dans les bras. La photo fait le tour du monde car Centelles travaille aussi pour la presse internationale.Fière d'avoir résisté aux putschistes, notamment grâce aux anarchistes du POUM (Parti ouvrier d'unification marxiste), Barcelone se rêve un avenir égalitaire. Les bus font l'objet de collectivisation. Mais les églises sont brûlées, pillées, et les sépultures des prêtres profanées comme le montre Centelles. Car le photographe n'hésite pas à regarder la mort en face, s'approchant au plus près de l'événement comme le recommandait Robert Capa aux photographes de guerre.Dès 1937, Agusti Centelles est mobilisé et affecté au service photo de l'armée. Il monte alors au front, photographie les soldats partant à l'assaut de l'ennemi, réalise le portrait en contre-plongée d'un milicien fusil au poing prêt à tirer, immortalise les femmes combattantes, fixe une colonne de soldats au visage défait, retient le silence des enterrements. Et l'on comprend très vite que les franquistes, aidés des forces de l'axe, ne feront qu'une bouchée de cette armée populaire.parqués dans des campsViennent ensuite le temps de l'exil, les camps où la France parque les Espagnols ayant fui leur pays, une couverture en guise de baluchon pour tout bagage. Au fond, c'est toute l'histoire de la seconde moitié du XXe siècle qui s'écrit ici et annonce les bouleversements à venir. Parce que Centelles, comme Capa, a su mettre les hommes au c?ur de ses images, atteignant ainsi l'universel.n « Agusti Centelles, journal d'une guerre et d'un exil », au Jeu de Paume, site Sully. Jusqu'au 13 septembre. www.jeudepaume.orgÀ lire : « Agusti Centelles 1909-1985 », Actes Sud, 258 p., 55 euros.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.