Alain Caparros, le Français qui a changé l'Allemagne Le président français du groupe allemand de distribution Rewe est parvenu à s'imposer sur le marché de la distribution outre-Rhin. En jouant de son accent et de sa connaissance très fine des m?urs locales. Alain Caparros est une exception en Allemagne. D'abord, par son style, décontracté, sans cérémonie, qui tranche. Ensuite, par son parcours. Cet homme de 53 ans, né dans les hauts plateaux algériens, rapatrié en Lorraine, est aujourd'hui le seul grand patron français outre-Rhin. À la tête de Rewe, un groupe de distribution de 50 milliards d'euros de chiffre d'affaires qui emploie 200.000 personnes dans 16 pays, il est surtout un des rares étrangers à avoir réussi sur ce marché allemand dominé par le hard discount où tous les étrangers qui s'y sont aventurés, de Carrefour à Wal Mart, se sont cassé les dents.Ancien dirigeant d'Yves Rocher et d'Aldi France, il arrive en 2004 « par hasard » chez Rewe à qui il vient de vendre le groupe suisse Bon Appétit. Rewe est alors un « dinosaure », lourd et peu rentable dirigé par le très autoritaire Hans Reichl. Ce dernier fait pourtant rapidement du Français son bras droit. « À la différence des autres, je n'hésitais pas à discuter ses choix et cela lui a plu », se souvient-il. Après le décès du patriarche, le groupe traverse une grave crise et, en 2006, le conseil de surveillance nomme Alain Caparros président du directoire. « Un choix courageux », selon celui qui va alors s'échiner à rendre à nouveau le groupe compétitif. La corruption rampante est éradiquée par des mesures exemplaires, l'équipe de direction change aux deux tiers, le nombre de marques est réduit et les différentes activités et les filiales étrangères obtiennent leur autonomie. Surtout, Alain Caparros passe à l'offensive en s'appuyant sur « la créativit頻, son leitmotiv. À la différence de nombre de ses concurrents, il estime que le consommateur allemand n'est pas seulement obsédé par les prix, mais peut aussi succomber à « l'achat plaisir ». Il développe alors des « concepts ludiques ». Mais son plus beau « coup » est d'avoir élargi l'ouverture de ses magasins jusqu'à 22 heures. Une vraie révolution dans un pays où jusqu'en 2003, la loi fixait la fermeture des portes à 18?h?30. La décision a fait grincer des dents, mais est un succès : bientôt, tous les concurrents suivent. Et la vie quotidienne des Allemands en est changée. « Les gens se retrouvent désormais le soir en faisant leurs courses. On remplace le traditionnel bistro de quartier : nos magasins sont devenus un lieu de sociabilit頻, s'enthousiasme Alain Caparros, qui songe à élargir les ouvertures jusqu'à minuit et à installer dans ses magasins des points de restauration rapide « bio » pour profiter de ces nouvelles habitudes. Désormais, sa nouvelle ambition est de donner à son groupe une avance sur le développement durable en dépassant « le simple argument marketing ».Alain Caparros revendique sa « touche latine » qui lui a permis d'initier bien des changements chez Rewe. Selon lui, être français l'a aidé à faire adopter ses idées. « Même les propos désagréables sont mieux acceptés lorsqu'ils sont dits avec l'accent français », s'amuse-t-il. Mais si un Allemand n'aurait pas pu faire ce qu'il a fait chez Rewe, il affirme qu'il n'aurait pas pu faire de même dans un groupe français. « J'ai obtenu beaucoup de sympathie de la base, même s'il a fallu beaucoup expliquer et convaincre au début », remarque-t-il, avant de se réjouir notamment du soutien des syndicats. La grande force d'Alain Caparros est de disposer d'une compréhension et d'une connaissance très fine des m?urs allemandes qui lui permet de savoir comment les bousculer. « La langue est souvent un handicap majeur pour les Français en Allemagne, mais il faut également franchir le fossé culturel », confirme celui qui a enjambé allègrement ce fossé. Après Rewe, il se voit d'ailleurs bien « contribuer à mieux expliquer l'Allemagne aux Français et inversement ». Romaric Godin, à Cologne

latribune.fr

05 Sept 2009, 1:45

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