Le PAF sens dessus dessous

Quelques dates clés, toujours liées à des décisions politiques, marquent l'histoire du paysage audiovisuel français (PAF) du siècle dernier?: 1974 et la fin de l'ORTF?; 1986 et le lancement de la privatisation de TF1, vendue au groupe Bouygues un an après. Pour ce nouveau siècle, on se souviendra sans doute longtemps de 2008. Une année qui démarra par un coup de canon?: l'annonce par le président Nicolas Sarkozy de l'arrêt de la publicité sur les chaînes publiques. Rarement le PAF n'avait été plongé dans une telle incertitude. Car la décision présidentielle n'a pas seulement déstabilisé un des acteurs majeurs du secteur, France Télévisions, qui représente encore plus de 35 % de l'audience de la télévision, et captait plus du quart de la publicité TV. Elle a souligné, avec brutalité, la violence des évolutions auxquelles sont confrontés tous les médias dits « traditionnels » face à de nouvelles concurrences libérées par la numérisation des réseaux et des contenus. Sur le marché de la télévision payante, l'année avait commencé par la bataille entre le diffuseur traditionnel du championnat de football de Ligue 1, Canal Plus, et le nouvel entrant dans la revente de contenus audiovisuels « premium », l'opérateur télécoms Orange. À peine absorbé TPS, son historique rival, Canal Plus rencontrait la concurrence d'un acteur qui peut conjuguer réseau et offres de services multi-écrans (PC, TV, mobile). Il a ainsi perdu une partie, certes encore limitée, des retransmissions des matchs de Ligue 1 dès la saison 2008-2009. les convergents émergentQuelques mois plus tard, c'est sur le terrain du cinéma qu'Orange l'a attaqué en annonçant la signature d'un accord avec les studios Warner et le lancement (intervenu en novembre) d'un bouquet de chaînes séries et cinéma, réservé aux abonnés ADSL d'Orange. Pour l'instant, l'attaque n'a pas affaibli Canal Plus, mais elle marque l'émergence de nouveaux acteurs « convergents », déterminés à prendre leur place dans le paysage. Du côté des chaînes gratuites, la progression de l'équipement des foyers pour la réception de la télévision numérique terrestre, qui a franchi en 2008 le taux de 50 % de pénétration et avoisine aujourd'hui les deux tiers de la population, marque un changement d'époque. Le déclin de la part d'audience de la chaîne leader, TF1, qu'elle n'a pas préparé en misant sur les chaînes de la TNT, était inéluctablement inscrit dans le passage d'une offre de base de 5 à 18 chaînes. La stagnation, puis le recul de ses recettes publicitaires, a suivi. D'où l'activisme de la Une, de l'autre chaîne privée M6, pour que la loi audiovisuelle (qui arrive au Sénat le 7 janvier) et la réglementation desserrent au maximum les contraintes qui pèsent sur elles. Mais d'autres lames de fond sont à venir. Qu'il s'agisse des audiences télé et radio, de la lecture des journaux, les nouvelles générations privilégient une consommation des programmes « à la demande », consacrent de plus en plus de temps à Internet, et délaissent les médias classiques. Alors que l'année 2009 s'annonce calamiteuse sur le marché publicitaire, les adaptations pourraient être douloureuses. Dans ce contexte, un pôle audiovisuel public, libéré de la contrainte de trouver des recettes publicitaires, aurait pu jouer un rôle stabilisateur. Mais l'improvisation de la réforme de son financement ne l'a pas aidé à préparer sereinement ces défis.
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