« InfoMatin » : l'espoir d'un « chevalier blanc »

A deux jours près, il n'aura même pas eu l'élégance de nous laisser vivre le deuxième anniversaire d'"InfoMatin" », lance amer un rédacteur qui était là, ce 10 janvier 1994, pour fêter la naissance du dernier rejeton de la presse quotidienne française. Vendredi midi, le miracle n'a pas eu lieu : l'ancien PDG de Canal Plus qui se rêvait en nouveau Citizen Kane, vient de confirmer son intention de jeter l'éponge. En s'offrant une ultime volte-face : ce sera le dépôt de bilan et un maigre espoir de continuation pour les 86 salariés du quotidien, et non la cessation d'activité qui aurait coûté à André Rousselet 15 à 20 millions de francs pour solde de tout compte. Confié aux bons soins d'un administrateur judiciaire, qui devra opter entre le redressement et la liquidation immédiate, InfoMatin sera absent des kiosques dès demain pour un minimum légal de cinq jours. Barré d'un grand « Au revoir », son 508e numéro daté de ce lundi sera le dernier si aucun « chevalier blanc » ne se présente. Mais la tentation d'une parution pirate, avec le soutien du Livre CGT, existe au sein de la rédaction. André Rousselet n'a pas eu de peine à motiver sa décision devant le conseil d'administration de la Sodepresse, la société éditrice dont il avait pris le contrôle trois mois après le lancement du journal. L'aventure InfoMatin aura en effet englouti 170 millions de francs, dont 140 millions au seul passif du patron-actionnaire qui détenait 78 % du capital. Peu téméraires, les administrateurs représentant le groupe de presse suédois Marieberg (15 %) et les autres minoritaires ont donc avalisé sa décision, à l'exception du Monde, qui s'est abstenu lors du vote. Le quotidien du soir, qui craint pour le plan de charge de ses rotatives d'Ivry, avait offert à son jeune confrère de l'imprimer pour 2 millions de francs cette année, contre 12 millions en 1995. « C'est mon train électrique, je le casse quand je veux » Insuffisant pour contenir le déficit 1996 à 35 millions de francs, a tranché André Rousselet en demandant à ses salariés de sacrifier trois des huit semaines de congés payés dont ils disposent. Le refus exprimé mardi dernier par 80 % du personnel a déclenché la colère d'un patron dont le sens du dialogue social n'est pas la première qualité. En confirmant sa décision vendredi au comité d'entreprise, André Rousselet a rejeté la faute sur « une équipe rédactionnelle animée d'un comportement suicidaire digne de l'Ordre du temple solaire ». Et taxée d'« irresponsabilité », exemple à l'appui : la « Une » du 28 décembre dernier sur « Le retour de Karl Marx »... En fait, l'homme connu pour son autocratisme, n'avait jamais accepté qu'« une rédaction trouve en soi-même sa propre légitimité » et « exerce le pouvoir de bas en haut », comme il l'a expliqué sur LCI. « C'est mon train électrique, je le casse quand je veux », aurait-il lancé aux journalistes rebelles. Ces derniers ont vivement réagi en estimant que André Rousselet « fait porter toute la responsabilité de l'arrêt d'InfoMatin à la rédaction » alors qu'il « n'a présenté aucun plan de développement du journal ni sur le plan rédactionnel, ni sur celui de la diffusion, ni sur celui de la promotion ». Jean-Christophe Féraud
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