Patrick Ponsolle rallume un très vieux conflit

L'histoire du tunnel sous la Manche a été rythmée par les éclats de voix des constructeurs et les récriminations du concessionnaire. A peine séchée l'encre du traité signé par Margaret Thatcher et François Mitterrand, les dix entreprises de BTP franco-britanniques n'apprécient pas d'être écartées de la direction des opérations par les banquiers et de rester cantonnées dans un strict rôle de constructeur, alors qu'ils estiment être à l'origine du concept du projet. André Bénard, à l'époque président d'Eurotunnel côté français, ne mâche pas ses critiques quel-ques mois après le démarrage des premiers tunneliers, estimant que le chantier n'avance pas assez vite. Côté anglais, la craie se révèle plus poreuse que prévu ; côté français, les constructeurs ont du mal à maîtriser les machines tout juste arrivées du Japon. Après huit mois d'effort, ces tunneliers battront tous les records de vitesse de forage. Mais entre-temps, l'estimation des coûts explose. Une guerre des nerfs sans merci L'habitude est prise, les deux partenaires entament une guerre des nerfs sans merci, chacun taxant violemment l'autre d'incompétence quand ils ne se traînent pas devant les tribunaux. En novembre 1989, Jean-Paul Parayre, alors président de Dumez, claque la porte du conseil d'administration d'Eurotunnel. TML (Transmanche Link), le groupement des industriels dont il fait partie, refuse le rapport d'un expert du concessionnaire sur un chiffrage à... 40 milliards de francs. Au final, le coût du tunnel dépassera les 100 milliards. Deuxième phase du conflit, chacun se renvoie la balle sur les raisons de ce phénoménal dérapage. Octo- bre 1991, les dix présidents des groupes de BTP se réunissent derrière une estrade pour la première fois de leur existence. Jean-Paul Parayre prend la parole. Il explique que « l'esprit du contrat » a été rompu et accuse solennellement le client d'avoir par trop sophistiqué le projet. Au sujet du matériel roulant, il explique que les modifications demandées par la Commission intergouvernementale notamment sur l'augmentation de 10 centimètres de la largeur des wagons ont entraîné des modifications en séries. Les constructeurs finissent par réclamer une rallonge de 14 milliards de francs à Eurotunnel calculée en francs 1985, soit 19 à 20 milliards de francs en 1993. Ils obtiennent même de la justice britannique le droit de faire cesser les travaux. La même année, une féroce bataille juridique devant le « panel » (le comité d'arbitrage) conduit Eurotunnel à devoir verser 500 millions de francs par mois à TML. Une décision cassée par la suite par les tribunaux. L'apothéose interviendra en juillet 1993 avec la fameuse cérémonie de la paix. Le 10 décembre, les constructeurs remettent les clés du tunnel sous la Manche à Eurotunnel. Depuis, silence radio officiellement, jusqu'à l'annonce en septembre 1995 de l'intention de Patrick Ponsolle de poursuivre TML en justice à nouveau. J. Ch.
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