Eurotunnel réclame 7,5 milliards aux constructeurs

Eurotunnel ne perd rien de sa fougue guerrière. Juste avant Noël, le concessionnaire du tunnel sous la Manche a porté plainte contre les constructeurs regroupés au sein de TML. Motifs avancés : les dix entreprises ont livré des équipements (navettes réservées aux véhicules légers, aux poids lourds et aux autocars) défaillants, ne correspondant pas au cahier des charges et provoquant des retards considérables pour le démarrage du service. En guise de compensation, Patrick Ponsolle et Alastair Morton, les deux présidents d'Eurotunnel, réclament 7,5 milliards de francs aux constructeurs. Selon le contrat signé en 1985, le conflit doit être examiné par un comité de cinq experts, présidé par le juriste français Philippe Malinvaud. Ce fameux « panel » doit apporter une réponse à la réclamation présentée par Eurotunnel dans les 90 jours. Selon nos informations, il aurait déjà demandé une extension de ce délai face à la difficulté du sujet. Chacune des deux parties doit présenter ses arguments et, si la décision n'est pas acceptée, il reste encore l'arbitrage de la Chambre de commerce internationale. Au-delà des questions de procédure, cette décision d'Eurotunnel paraît surprenante. Bien sûr, Patrick Ponsolle avait affirmé en septembre dernier son intention de réclamer 1 milliard de livres aux constructeurs. Mais, au même moment, il suspendait pour dix-huit mois le paiement des intérêts financiers, mettant les banques au pied du mur. Les observateurs attendaient des décisions relatives au traitement de la dette, notamment une conversion partielle de cette dette en actions. Cette attente semblait d'autant plus justifiée que le contrat signé avec les banques prévoit, en cas de suspension du paiement des intérêts (« standstill ») que les banques peuvent marquer leur désaccord au bout de six mois, c'est-à-dire à partir du 14 février prochain. Faute de trouver un accord avec les banques, le président d'Eurotunnel porte le fer contre les constructeurs. Il leur réclame 7,5 milliards de francs d'indemnités... alors que le coût de construction des matériels en question a été payé 7,05 milliards (en francs 1985) selon les documents publiés par Eurotunnel en mai 1994. Initialement (en 1987), le coût du matériel roulant avait été estimé à... 2,5 milliards de francs. Ce chiffre est à comparer également aux 21 milliards dépensés finalement pour la construction des tunnels, 5,5 milliards pour les terminaux, et 12 milliards pour les équipements fixes. Pour Eurotunnel, l'importance de ce chiffre se justifie par quatre arguments. Tout d'abord, le concessionnaire estime que TML n'a pas correctement géré la conception du matériel roulant. Dès la signature du contrat en 1987, les constructeurs avaient en effet sept ans pour construire les wagons. Ils n'auraient démarré la conception qu'au bout de deux ans. Le fait d'avoir trop tardé a entraîné des retards considérables, d'où des coûts supplémentaires. Exemple : la circulation de l'électricité à l'intérieur des navettes et des wagons a dû être entièrement revue pour des problèmes de compatibilité. Fort des informations données par TML, Eurotunnel estime avoir engagé trop tôt les programmes marketing de lancement, alors que le démarrage commercial a été retardé jusqu'en mai 1994. Dernier argument - le plus important peut-être - les coûts de maintenance seraient beaucoup plus important que prévu. Trop sophistiqués, les wagons nécessitent de fréquents changements de pièces. De surcroît, ces opérations de maintenance seraient très longues à exécuter, ce qui réduit le nombre de navettes aux heures de pointe, et réduit d'autant les recettes. La réponse des responsables de TML est cinglante : « Ce qui est excessif est insignifiant ». D'aucuns rappellent l'échec cinglant d'Eurotunnel dans sa réclamation face aux réseaux ferroviaires devant la justice : 20 milliards réclamés pour un résultat nul ! JULIE CHAUVEAU
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