Aux Etats-Unis, le déflocage terminé, les poursuites continuent

La guerre de l'amiante commence en France au moment ou elle se termine aux Etats-Unis. Le déflocage, ordonné en 1989 par l'Agence pour la protection de l'environnement (EPA), devrait être achevé cette année. Entre-temps, la prohibition de l'amiante a eu des conséquences gigantesques sur l'économie américaine. En plus d'enrichir les avocats, elle a donné naissance à une vaste industrie de nettoyage : les Etats-Unis ont dépensé entre 6 et 10 milliards de dollars pour éliminer le produit de leurs écoles et bâtiments publics. Faillite pour la quasi-totalité des industriels L'interdiction de 1989 avait été précédée d'une d'une loi fédérale ordonnant le déflocage des établissements scolaires. Comme en Europe, le produit fut longtemps considéré en Amérique comme une miraculeuse défense contre les incendies. Il a même été utilisé comme neige artificielle durant le tournage de classiques tels que The Wizard of Oz et White Christmas. Pendant des décennies, l'industrie américaine en a traité en moyenne 800.000 tonnes par an, soit plus de 30 millions de tonnes au total. La prohibition a eu aussi des effets négatifs. Elle a affecté les résultats des compagnies d'assurances, qui ont constitué, l'an dernier, dix milliards de dollars de provisions supplémentaires pour couvrir les indemnisations liées à l'amiante et d'autres formes de pollution. Surtout, elle a précipité dans la faillite la quasi-totalité de l'industrie américaine de l'amiante. La société Johns-Manville, principal fournisseur d'amiante pour les avions et les navires de la Seconde Guerre mondiale, fut forcée, en 1982, de se placer sous la protection de la législation sur les faillites en raison des massives poursuites judiciaires, dont elle était la cible de la part de ses employés depuis la fin des années 70. Le roi des matériaux de construction n'émergea qu'en 1988 après avoir créé un fonds d'indemnisation de 1,8 milliard de dollars pour les victimes. Rebaptisée Schuller, la compagnie a dépensé plus de 1,5 milliard pour indemniser près de 100.000 plaignants. Un autre producteur d'amiante, UNR Industries, est resté en faillite pendant dix ans en raison de ses déboires judiciaires : il est maintenant en partie contrôlé par une société fiduciaire créée au profit des victimes. Si le déflocage est bientôt terminé, il n'en est pas de même des actions en justice. Les poursuites sont innombrables. Il y a deux ans, le montant des plaintes déposées contre les fabricants par les écoles, hôpitaux, collectivités locales et organismes publics régionaux des Etats-Unis s'élevait à une quinzaine de milliards de dollars. A cela s'ajoutent les poursuites des victimes et de leurs familles. Depuis les années 70, des milliers d'entre elles ont intenté des actions en justice contre les producteurs et utilisateurs d'amiante. L'engorgement est devenu tel que les plaintes déposées auprès des tribunaux fédéraux après le 15 janvier 1993 contre vingt producteurs d'amiante, dont Pfizer et Union Carbide, ont été regroupées dans une plainte collective déposée auprès d'un tribunal de Pennsylvanie. En août 1994, ce tribunal a approuvé un accord à l'amiable prévoyant la création d'un fonds de 1,3 milliard de dollars pour compenser les victimes présentes et futures, dont le nombre se situerait, selon la justice, entre 250.000 et 2 millions de personnes. En mai, cependant, un tribunal fédéral annulait cette décision en arguant que le compromis ne protégeait pas de façon adéquate les futures victimes. Jean-Marie Macabrey, à Washington
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