Robert Kelly, un banquier qui ne cède pas au catastrophisme

Pragmatique comme un Américain peut l'être, Robert Kelly délivre un satisfecit tant à Ben Bernanke qu'à Jean-Claude Trichet. Le premier est reconnu par le patron de Bank of New York Mellon pour avoir permis à l'économie américaine d'échapper à la récession en procédant à sept baisses des taux de la Réserve fédérale pour les ramener à marche forcée de septembre à aujourd'hui de 5,25 % à 2 %.Le principal risque de l'économie américaine était aux yeux de ce grand banquier américain l'activité et la remontée du chômage. Le spectre de l'inflation n'intervient que bien après puisqu'actuellement " les tensions sur les prix n'excèdent pas ceux du pétrole et de la nourriture, alors qu'aucune spirale des salaires n'est enclenchée ", précise-t-il.L'ATTENTE NE SERA PAS LONGUEEn Europe, la situation est différente : le leitmotiv de la lutte contre l'inflation du président de la BCE est donc adapté au contexte. Le patron de Bank of New York venu à Paris fêter, à l'invitation de l'European American Club, son premier anniversaire à la tête de la nouvelle entité qu'il a lui même mise sur les rails l'an dernier en tant que patron de la banque Mellon ne cède donc pas au catastrophisme. Il reste confiant quant à la capacité pour les États-Unis d'échapper à la récession. Quant aux marchés boursiers encore un peu de patience. Ceux-ci, rappelle-t-il, ont la vertu " d'anticiper entre six et neuf mois le redémarrage de l'économie ". Mais l'attente ne sera pas très longue car, au plus tard, estime Robert Kelly, les indices américains reprendront de la hauteur " dans les premiers mois de 2009 ". Quant au dollar, source de bien des maux pour l'industrie européenne, il ne se félicite pas ouvertement de sa faiblesse mais se réjouit tout de même de ce que celle-ci a permis de faire repartir les exportations américaines et donc de soutenir l'économie vacillante des États-Unis.À l'opposé des marchés financiers, Robert Kelly se garde de faire des pronostics sur la date d'un rééquilibrage des deux grandes monnaies atlantiques, mais selon lui ce n'est pas du front de la rémunération de l'argent, fixée par les banques centrales, que viendra le rétablissement du billet vert. Celui-ci sonnera avec le ralentissement économique de l'Europe alors moins gourmande des exportations américaines.Au-delà de la conjoncture qui était le thème de son intervention parisienne, intitulée " La sortie de la crise financière : l'opinion d'un banquier américain ", ce dernier a livré un premier constat sur les leçons à retenir de ces derniers mois. La source de la crise tient aux taux artificiellement bas du marché obligataire qui ont amené les banques à tirer parti de celui-ci à outrance pour la faiblesse du coût du capital qu'il autorisait. La conséquence en est un déséquilibre de leur bilan qu'il convient aujourd'hui de corriger en levant des capitaux. La première leçon de la crise est bien le respect de la primauté de la liquidité. Pour le reste, le bon sens s'imposera avec un retour de la confiance qui passe par la simplicité des produits émis et par davantage de transparence.Sans attendre les difficultés de certains établissements créant des opportunités pour ceux qui ont de l'argent, il professe avec la ferveur de ceux qui sont en bonne santé financière. Le patron de ce spécialiste de la gestion, et des services aux métiers du titre revendique le leadership mondial dans ces métiers avec plus de 20.000 milliards de dollars de conservation et plus de 1,100 milliard sous gestion dans 37 pays où il est implanté. Laconique, Robert Kelly se dit prêt à des acquisitions alors qu'il regarde activement le nouveau contexte européen créé par l'entrée en vigueur de la directive bruxelloise " Marché d'instruments financiers " en novembre 2007.PRENDRE LA VRAIE MESUREToutefois, si la fragmentation en cours des plates-formes de négociation lui apparaît déjà favorable pour les utilisateurs, il se projette dans un avenir où la poursuite de la concentration des opérateurs verra à terme subsister autour de trois grandes places de référence en Europe, en Asie et en Amérique quelques acteurs de niches. Bien que l'essentiel des recettes de Bank of New York Mellon soit dans les métiers du titre, sa vision est moins nette à propos des infrastructures des activités postmarché.Prudent, il semble vouloir attendre de prendre la vraie mesure des initiatives de la BCE, autour de Target II securities. Et il se refuse à se réjouir ouvertement de l'adoption parTurquoise de la décision de confier son destin à la filiale du conserva-teur central américain unifié, la DTCC qui pourrait offrir une alternative aux rivalités nationales du Vieux Continent.ParcoursRobert Kelly a pris la tête de la Bank of New York à l'issue de sa fusion avec la Banque Mellon il y a tout juste un an en juillet 2007. Il était depuis février 2006 président exécutif de Mellon Financial Corporation. Il a été sept ans directeur financier de Wachovia Corporation. Auparavant, il a passé dix-neuf ans à la Toronto-Dominion Bank, dont il fut vice-président en charge de la banque de détail. Expert comptable de formation (MBA), il est aussi docteur honoraire de la Cass Business School et de l'université Ste Marie au Canada.
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