Les chances de l'EPR à Abu Dhabi s'atomisent

Une balle dans le pied. En dénonçant lundi des manquements à la sûreté de l'EPR, avec ses collègues finlandais et britannique, l'Autorité de sûreté nucléaire française (ASN) compromet les maigres chances de succès à Abu Dhabi de la filière nucléaire hexagonale. Trop chère, l'offre d'Areva et de GDF Suez, associés à Total, rejoints par EDF, est déjà en ballottage défavorable dans la phase finale de l'appel d'offres pour 4 à 6 réacteurs qui se déroule aux Émirats arabes unis. « Si la France perd, c'est la vente de l'EPR dans le monde qui est compromise », souligne un observateur.Après l'arrêt fin 2008 de l'appel d'offres en Afrique du Sud, EDF est aujourd'hui le seul électricien de la planète qui s'engage à construire en Chine, en Grande-Bretagne, aux États-Unis ou en Italie le dernier-né des réacteurs d'Areva. Et encore les Chinois ont-ils commandé deux EPR et deux exemplaires de l'AP-1000 de Toshiba-Westing­house, afin de procéder plus tard à un choix définitif. Lundi, l'ASN et ses homologues finlandaise (la Stuk, qui supervise la construction du premier EPR à sortir de terre) et britannique (où EDF veut construire 4 EPR), ont émis des doutes sur la conception du système de contrôle-commande de ces réacteurs. Leurs inquiétudes portent sur le système de sécurité utilisé pour piloter le réacteur en cas d'incident et plus précisément sur son indépendance vis-à-vis du mécanisme de contrôle en fonctionnement normal.Ces autorités de sûreté ont demandé à Areva et aux acquéreurs de licence ? dont EDF ? de modifier le design initial de l'EPR, sachant que les demandes de chacune de ces autorités sont différentes. Mais EDF, sous la houlette de Pierre Gadonneix, cherche à construire partout « le même EPR », avec le même design pour bénéficier d'économies d'échelle.pistes de réflexionEn ce qui concerne la France, l'ASN a demandé le 15 octobre à EDF de démontrer la sûreté du contrôle-commande de l'EPR en construction à Flamanville (Manche). EDF, qui affirme que cette procédure n'entraînera aucun délai supplémentaire sur son chantier, argue que le système envisagé est du même type que celui qui fonctionne depuis la fin des années 1990 sur les réacteurs en service les plus récents. « Pas tout à fait », rétorque Guillaume Wacq, directeur des centrales nucléaires à l'ASN. « Les logiciels utilisés dans les centrales de Chooz et de Civaux ont été développés sur mesure. Pour l'EPR, EDF envisage de faire tourner des composants standards, employés dans d'autres secteurs industriels. » En interne chez EDF, on réfléchit à diverses solutions, comme la diversification des fournisseurs. C'est, en effet, Siemens qui fabrique à la fois le système de secours et le système de pilotage principal, ce qui n'est pas jugé optimum. « Il faut que nous étudions au préalable le dossier que nous présentera EDF, qui doit faire la démonstration de la sûreté de toute nouvelle solution », répond l'ASN. Le dialogue autour de cette question, plus feutré d'ordinaire, se déroule depuis deux ans.Les Verts ont réclamé hier l'arrêt de tous les chantiers EPR dans le monde. La députée PS Aurélie Filippetti réclame une commission d'enquête parlementaire sur la sûreté nucléaire. Pour Jean-Louis Borloo, ministre en charge de l'énergie, qui « se félicite de cette démarche tripartite inédite » des autorités de sûreté, « les fondamentaux de l'EPR ne sont pas en cause ». Un membre du gouvernement, interrogé par l'AFP, craint toutefois « une perte de temps qui peut aller de deux à trois ans ». M.-C. L.
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