Sortie de crise  : risque

Après une année d'actions non conventionnelles pour lutter contre la crise financière et ses effets déflationnistes, les banques centrales deviennent plus confiantes. L'augmentation massive de la quantité de monnaie en circulation dans l'économie, les engagements sur les taux directeurs futurs et les achats directs de titres semblent donc avoir porté leurs fruits. Les autorités monétaires ont ainsi commencé à préparer leurs stratégies de sortie de crise.Le problème est que la transition s'annonce particulièrement délicate. Si les mesures non conventionnelles ont été pensées et préparées bien avant que le risque de déflation ne se matérialise, le chemin inverse est beaucoup moins balisé. Certes, les banques centrales sont habituées à régler la quantité de monnaie en circulation dans l'économie, mais la taille et la composition de leur bilan sont devenues aujourd'hui tout à fait exceptionnelles. Le bilan de la Réserve fédérale a mis près d'un siècle pour atteindre 1.000 milliards de dollars et un mois et demi pour dépasser les 2.000 milliards de dollars.Une des pistes envisagées par la banque centrale américaine pour éponger l'excès de liquidité consiste à mettre en pension auprès du secteur financier les titres acquis depuis plus d'un an à son bilan. Cette opération dite « des prises en pension inversées » est testée par la Réserve fédérale de New York depuis quelques mois. Mais les dix-huit « primary dealers », ces banques américaines proches de la Fed ? l'équivalent des spécialistes des valeurs du Trésor en France ?, ont des bilans qui ne leur permettent pas d'assurer ces opérations pour les montants en jeu. La Réserve fédérale cherche donc à réaliser ses opérations directement avec les fonds de placement monétaires. Mais d'autres obstacles se dressent.Ainsi, les craintes que les stratégies de sortie de crise des banques centrales génèrent de l'inflation, voire de l'hyperinflation, se sont exacerbées. Ces craintes, auxquelles s'ajoutent celles relatives à l'impact du gonflement de l'endettement public sur l'inflation, se sont traduites par un regain d'intérêt du marché pour les obligations indexées sur l'inflation ainsi que pour les produits permettant de couvrir les portefeuilles contre l'inflation. Certes, nombre de facteurs rendent peu plausibles le retour d'une hyperinflation : la sous-utilisation des capacités de production, le désendettement des ménages et, plus structurellement, le relâchement de la boucle prix-salaire dû à la fois à la disparition des règles d'indexation des salaires sur les prix, à la baisse du pouvoir de négociation des syndicats et à la flexibilité des marchés du travail. Mais l'inflation pourrait prendre une forme nouvelle dans ce capitalisme où les excès de liquidité se retrouvent davantage dans l'inflation des prix d'actifs que dans celle des biens et services.En particulier, une nouvelle bulle sur les matières premières et l'énergie ne manquerait pas à son tour de créer une inflation « importée ». Même si elle ne dépassait pas 3 % à 4 %, cette inflation importée aurait, à moyen terme, un impact considérable sur le pouvoir d'achat des salariés et la valeur réelle des portefeuilles, d'autant que la performance des actions souffre lorsque les tensions inflationnistes reviennent. Certains investisseurs, tels que les caisses de retraite, pourraient alors voir fondre leur actif en même temps que gonflerait leur passif, les pensions étant souvent indexées sur la hausse des prix.Il faut de plus être très prudent avec les produits financiers qui proposent une couverture contre l'inflation, car, si la plupart couvrent ce risque, seuls quelques-uns permettent de se protéger en même temps contre le risque de taux d'intérêt. Or si l'on parie de façon raisonnable que les banques centrales maintiendront leur objectif de stabilité des prix, alors une hausse des tensions inflationnistes ne manquera pas d'être contrecarrée par une hausse des taux d'intérêts directeurs. Résultat : les portefeuilles uniquement couverts contre le risque d'inflation souffriront alors de la hausse des taux.Paraphrasant un de ses prédécesseurs, le président de la Réserve fédérale, Ben Bernanke, déclarait récemment que la banque centrale doit redevenir l'institution qui « retire le bol de punch quand la soirée commence à s'animer ». Souhaitons-lui bonne chance, car il s'agit cette fois d'une citerne de rhum que les banquiers centraux ont offerte à des marchés plus que jamais prêts à s'enivrer. npoint de vue Christophe Boucher Conseiller en allocation d'actifs chez ABN-Amro
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