La France doit être à la pointe de la transition énergétique

La transition énergétique est inévitable, nous n\'avons le choix qu\'entre la subir ou la choisir. La raréfaction des ressources fossiles et le changement climatique que nous connaissons sont chacun un événement unique dans l\'histoire de l\'humanité. Le système économique reposant sur une énergie bon marché sans considération des impacts environnementaux a atteint ses limites. La facture énergétique de la France est de 60 milliards d\'euros par an, soit le montant du déficit de notre balance commerciale. Pour comparaison, c\'est 10 milliards d\'euros par an de plus que la charge de la dette publique. Notre dépendance à l\'import est très forte, y compris sur le nucléaire pour lequel 100% du combustible est importé.Les ressources non conventionnelles sont un leurreLe mouvement s\'amplifie, avec pour horizon des conséquences sociales désastreuses. Les énergies fossiles se raréfient, leur extraction devient toujours plus coûteuse et la demande n\'est plus réservée aux pays occidentaux. Le baril de pétrole stagne toujours aux environs de 100 dollars malgré une conjoncture économique générale très morose. Les ressources non conventionnelles sont un leurre. Tout au plus, les gaz de schistes offriraient un sursis à l\'ancien modèle, au prix d\'impacts environnementaux très élevés, localement et au niveau climatique. De plus, leur extraction s\'avère rapidement très coûteuse et les puits s\'épuisent très vite, obligeant à forer toujours plus. La chute actuelle des prix aux Etats-Unis est conjoncturelle, la bulle explosera tôt ou tard. Concernant l\'électricité, soit un quart de nos besoins d\'énergie en France, elle va se renchérir quoi qu\'il arrive. D\'abord en raison des sous-investissements importants dans le réseau dans les années 1990-2000. Ensuite, parce la production abondante et bon marché n\'existe plus : le \"nouveau nucléaire\" est aujourd\'hui aussi cher que les énergies renouvelables, qui sont pourtant des technologies en apprentissage. Les courbes se croisent, à l\'avantage de ces dernières. Pour preuve, les exigences actuelles de la part d\'EDF au Royaume-Uni pour construire des EPR avec des tarifs d\'achat garantis supérieurs à 120 euro le mégawatt/ heure (MWh soit 2,5 fois plus cher que le nucléaire \"amorti\" dont nous disposons pour l\'instant, 50% plus cher que l\'éolien et au même prix que les grandes installations solaires. Seules certaines énergies fossiles restent moins chères, comme par exemple le charbon, du fait de l\'absence de prise en compte de leur pollution dans le prix que nous payons.La transition énergétique reposera principalement sur la réduction des consommationsAvec notre grille de lecture héritée des Trente Glorieuses et qui prévaut actuellement sur la perception que nous avons de ce modèle, nous pouvons avoir le sentiment d\'être dans une impasse. Il nous faut chausser d\'autres lunettes pour penser ce qui va arriver : notre avenir n\'est pas si sombre. La transition énergétique reposera principalement sur la réduction des consommations, grâce à l\'efficacité et à la sobriété, et au développement de nouvelles sources: les énergies renouvelables.Jusqu\'à présent l\'efficacité énergétique comme la sobriété n\'ont jamais été traduites par une politique réellement ambitieuse. Pourtant, un parc automobile qui consommerait 1 litre pour 100km en moyenne, constituerait une division par 5 de nos importations de carburants et une réduction annuelle de plus de 20 milliards d\'euros de notre facture énergétique. La rénovation thermique des logements, si l\'objectif de 500.000 rénovations de logements par an est atteint en 2017, sera l\'une des plus ambitieuses jamais menée. Elle aura un impact positif majeur sur notre facture énergétique et sur la protection du pouvoir d\'achat des ménages, en réduisant les factures malgré le renchérissement du prix de l\'énergie.Vectrice d\'innovation, de dynamisme économique et d\'emploiLa transition énergétique est également vectrice d\'innovation, de dynamisme économique et d\'emploi. Les énergies renouvelables sont plus intensives en ressources humaines du fait de leur caractère décentralisé et indépendantes de toute importation de combustible. Grâce à elles, sont créés jusqu\'à neuf fois plus d\'emplois par MWh produit que les énergies conventionnelles centralisées. Il en va de même pour l\'efficacité, notamment grâce à la rénovation des bâtiments. C\'est une double chance pour l\'emploi et pour notre balance commerciale.La conjonction de l\'efficacité et de la sobriété avec le développement des énergies renouvelables permet la soutenabilité économique et sociale de cette transition. Le surcoût - limité - des énergies renouvelables doit pouvoir être compensé par la baisse de consommation induite par les politiques d\'efficacité et de sobriété. L\'efficacité énergétique est source d\'efficacité économique. Pour preuve, nous pouvons comparer le coût de l\'efficacité avec le coût de la consommation. Actuellement, les certificats d\'économie d\'énergie (CEE) sont valorisés à environ 4 euros par MWh. La consommation d\'un MWh d\'électricité coûte de l\'ordre de 60 à 130 euros (suivant que l\'on soit un gros industriel ou un particulier). Autrement dit, éviter de consommer grâce à l\'efficacité peut-être bien plus rentable que de produire plus, pour un même service rendu. La sobriété, quant à elle, permet de réduire les dépenses en énergie par une évolution des modes de vie. Les revenus non dépensés dans le système énergétique peuvent l\'être dans d\'autres secteurs, plus locaux et plus intensifs en emplois (culture, éducation, loisirs locaux...).Vers un mix énergétique propreCette transition est également une opportunité pour notre modèle agricole et pour nos territoires. Un agriculteur dispose de ressources biomasse et biogaz, de surfaces pour de la production solaire, éolienne et géothermique, il est un acteur incontournable de la transition énergétique. Il s\'agit de passer d\'une gestion centralisée de l\'énergie à une gestion plus décentralisée, qui permette aux territoires de se réapproprier la gestion de leur consommation et de leur production. Chaque commune, chaque intercommunalité peut trouver dans la transition énergétique un projet concret pour dynamiser l\'économie locale et les recettes fiscales, puisque les énergies renouvelables et l\'efficacité seront développées partout.Cette transition implique une mutation encore plus ambitieuse que celle qui fut la nôtre dans les années 1970-1980 avec le développement du parc nucléaire national. Il nous faut aujourd\'hui aller vers un mix énergétique propre, 100% renouvelable: la course est lancée pour savoir quels seront les pays capables de développer les industries et les savoir-faire de demain pour gérer ce nouveau modèle.La France dispose d\'immenses atouts, une main d\'œuvre hautement qualifiée, des industriels puissants et capable d\'innover, un gisement en ressources renouvelables parmi les plus importants en Europe, des capacités d\'investissements considérables et une puissance publique qui a toujours su impulser de grandes politiques industrielles. Le débat national sur l\'énergie est enfin l\'occasion de mettre en place des mesures très ambitieuses et de rejoindre des pays plus avancés pour faire de l\'Europe le leader de cette transition énergétique.Les mesures qui nous semblent prioritaires sont les suivantes : - organiser la rénovation de 500.000 logements par an par le déploiement de financements adaptés et par une alliance des professionnels du secteur, des industriels et des collectivités- définir de manière contraignante et progressive un objectif de 2L/100km de carburant fossile par véhicule pour 2020, repenser globalement la mobilité pour la rendre plus efficace et encourager les modes de transport alternatifs à la voiture individuelle- orienter les investissements des ménages et des entreprises, grâce à une fiscalité environnementale réelle et à une généralisation du bonus-malus couplé à l\'étiquetage énergétique à tous les secteurs- une parole publique forte qui définit un objectif à plus de 80% d\'énergies renouvelables dans notre mix énergétique global en 2050 pour donner le cap très ambitieux et nécessaire à nos industries- pour le mix électrique, une définition de la répartition des 50% qui ne seront pas produits par du nucléaire en 2025, en visant au moins 40% d\'énergies renouvelables dans un contexte de diminution de la consommation grâce à l\'efficacité * Corentin Sivvy et Tom Magenta sont experts énergie au sein du think tank Terra Nova, auteurs d\'une note sur la \"directive efficacité énergétique : pour des objectifs français ambitieux\"
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