La solidarité a un coût

Jeudi débute à Bruxelles un conseil européen important. Son ordre du jour comporte comme plat de résistance une discussion sur les modalités de la dotation du budget européen pour la période 2014-2020. En novembre dernier, un conseil s\'était achevé sur un désaccord à l\'amiable puisque les leaders européens avaient renvoyé à des jours meilleurs un résultat, à charge pour le président du conseil, Herman Van Rompuy, de proposer un document de travail susceptible d\'aboutir à un compromis. « Les jours meilleurs », c\'est donc cette semaine. Et le moins que l\'on puisse dire est que les positions sne se sont pas rapprochées, bien au contraire. Car entretemps, il y a eu le discours du Premier ministre britannique David Cameron, dans lequel il a clairement montré qu\'il favorisait une approche plus réaliste, du type \"coûts et avantages\".Payer le moins possible et obtenir le plus possibleEn outre, cette démarche n\'est peut-être pas totalement isolée. C\'est peut-être même la seule qui prospère dans les négociations actuelles. La plupart des pays semblent arriver à la table des discussions avec cette seule idée en tête : payer le moins possible et obtenir le plus possible. Egoïste ? Sans doute. Mais en période de crise, l\'heure est surtout à savoir qui doit porter le principal fardeau du sacrifice à faire, plus qu\'à celle de la solidarité. Du reste, certains pays ne manqueront pas de souligner que, pour le moment, la structure techno-bureaucratique de Bruxelles a encore échappé au couperet de l\'austérité, de même que les agriculteurs bénéficiant de la fameuse politique agricole commune (PAC).Le conseil de ce mardi aura au moins un avantage, celui de montrer où en est réellement la solidarité au sein de l\'Europe. Et sans doute découvrira-t-on qu\'on est encore loin de ce fédéralisme qui dépasserait les intérêts nationaux rêvé par certains .Une vie facile avec l\'argent gagné par les autresCeci dit, il n\'est pas encore certain que le fédéralisme parvienne à apaiser - ou en tout cas à canaliser - le combat pour les intérêts particuliers. Voyez l\'Allemagne elle-même. Les Länder riches ne veulent pas payer pour les Länder pauvres. Ainsi, la Hesse et la Bavière vont déposer mardi une plainte auprès de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe au motif que la solidarité imposée par la loi fédérale reviendrait à ce que certains s\'offrent une vie facile avec l\'argent gagné par les autres. En Allemagne, trois Länder sont contributeurs nets, tandis que les 13 autres sont receveurs nets.La critique porte sur l\'utilisation des fonds transférés, sur certains choix opérés comme la décision d\'accorder gratuitement les services des jardins d\'enfants ou encore les mauvais investissements fait par certains gouvernement régionaux. Au final, il s\'agit d\'introduire le principe : qui paye doit décider de l\'utilisation des fonds. Ou du moins les contrôler. La solidarité aurait donc un revers, celui de concéder le vrai pouvoir au donateur.Mariano Rajoy se trouve mieux à Berlin qu\'à MadridMariano Rajoy était à Berlin ce lundi. Il s\'y trouvait mieux qu\'à Madrid, où le président du gouvernement espagnol traîne comme un boulet les soupçons de corruption après la publication de documents par la presse espagnole de documents faisant état de versements réguliers d\'argent aux responsables du Partido Popular (PP) via une caisse noire.Lors d\'une conférence de presse conjointe avec la chancelière, le leader espagnol a été interrogé sur ce dossier embarrassant. Il nie toujours les faits, et assure que les documents le citant sont faux. Angela Merkel, à la prudence quasi légendaire, a apporté son entier soutien à son collègue espagnol : « Je suis convaincue que le gouvernement espagnol, avec Mariano Rajoy comme chef du gouvernement, sera capable de résoudre ces problèmes, et l\'Allemagne va le soutenir de toutes ses forces ». Il n\'est pas sûr que cette solidarité allemande ait un effet positif sur l\'opinion publique espagnole qui, selon les sondages, souhaite majoritairement une démission.Mais un départ de Mariano Rajoy serait le pire des scénarios pour Berlin, et plongerait le pays dans une crise politique qui accentuerait la crise économique et relancerait les doutes des marchés, comme l\'a montré la baisse des Bourses ce lundi. Il faudrait alors en appeler à la solidarité européenne et l\'Espagne y perdrait une certaine indépendance politique.Un scénario catastrophe pour Angela Merkel qui ne veut surtout pas devoir mettre à nouveau la main à la poche avant les élections de septembre prochain. Elle préfère donc être solidaire avec Mariano Rajoy par la parole, de peur de devoir l\'être plus tard avec des euros... Car le manque de solidarité aussi peut avoir un coût.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.