À quand une journée de l'homme  ?

Imaginons qu'il y ait un jour une date du calendrier réservée aux hommes. Sorte de parité avec la journée de la femme. Non qu'il y ait des territoires à défendre, mais pour s'interroger ensemble sur l'identité masculine. Pourquoi pas un 9 mars (« ladies first ») qui instituerait une méditation partagée autour des enjeux du masculin ? À en croire les magazines féminins, il semblerait que l'espèce soit en péril. Pire : qu'elle soit en perte de repères face à des femmes pleines d'énergie et décidées à ne plus se laisser distancer. « Croire à se scénario de la révolution féminine-déstabilisant-les-hommes, c'est se fourvoyer dans une illusion historique », estime le philosophe Vincent Cespedes. L'auteur de « l'Homme expliqué aux femmes » (Flammarion) constate que les trentenaires et quarantenaires d'aujourd'hui ont toujours fréquenté des femmes « libérées ». Jouer la victime pour mieux être un bourreau, c'est encore se placer de la part de l'homme en regard de la femme, rester dans un lien fusionnel, et limiter conjointement la croissance de chacun.Que les hommes flottent aujourd'hui dans leur identité est bien normal. Si l'autre moitié de l'humanité bouge, l'onde de choc les atteint forcément. L'erreur serait de ne pas saisir cette nouvelle liberté d'être, cette chance qui leur est donnée de s'emparer à leur tour de ce qui leur fait défaut. À eux de prendre conscience de leur potentiel sans nier aucune de leurs dimensions, de retrouver l'essence de leurs aspirations, et non de se réfugier dans un confort de soi où les engins technologiques leur servent de totems affectifs. Le constat du philosophe est sans appel : « Ne s'embrouiller qu'au téléphone, ne draguer qu'avec de l'écran dans les yeux. Utopie-cauchemar de la désimplication affective et de la désincarnation prises comme des preuves de liberté. Oui, nous les hommes du virtuellement correct, nous souffrons de désincarnation. Nous entretenons moins de rapports étroits avec les femmes qu'avec notre poste de télévision. Nous ne vivons pas notre vie, nous la gérons, la consommons et la diffusons au tout-voyant. Nous tuons en elle ce qu'il y a d'imprévisible et d'impliquant. » Où sont passés ces héros au regard si doux, ces aventuriers à l'énergie communicative et ces leaders charismatiques ? Si les femmes ont pris et prennent, Dieu merci, leur envol, c'est au tour des hommes de se positionner. De se réveiller du sommeil d'un masculin tout-puissant, robot fonctionnel et gestionnaire, ayant mis sa sensibilité en sourdine pour mieux privilégier une froide efficacité et un pragmatisme ravageur. La crise a prouvé combien les hommes pouvaient être déconnectés de la réalité. Pas question pour eux de se déviriliser. Mais de s'humaniser. De renoncer aux vices du pouvoir sur l'autre au profit de la puissance de comprendre et d'aimer. De guérir de leur paranoïa et de ne plus conjuguer leurs atouts de façon mécanique, agressive et conquérante mais d'être puissants au sens généreux et complet du terme avec leurs failles et leur courage. D'agir en « supermanité » chez eux comme au travail. La mutation est en marche. Pas celle qui voudrait faire croire aux nouveaux pères, nouveaux amants, nouveaux boss. Pas non plus celle qui travestit les hommes avec des crèmes de soins. Mais l'avènement d'une masculinité épanouie comme on parle de féminité épanouie. C'est-à-dire un doux équilibre des antagonismes, un droit de l'homme à être lui-même et un devoir d'accomplir ce qu'il désire à condition que ce désir ne dépende pas, avant tout, des autres. C'est avec la femme, la nouvelle Ève, que peut s'effectuer la métamorphose. Une transformation dont Rudyard Kipling avait déjà tracé la feuille de route : « Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre (...) Si tu peux être dur sans jamais être en rage (...) Si tu sais être bon, si tu sais être sage sans être moral ni pédant (...), tu seras un homme mon fils. » Une journée de l'homme, donc, pour porter ensemble, selon la formule de Cespedes, « l'espoir d'un mâle meilleur ».
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