Drôle de guerre entre Safran et Thales

En discussion à la fin de l'année 2009, le vaste échange d'actifs entre Safran et Thales a du plomb dans l'aile, selon plusieurs sources concordantes. Même au ministère de la Défense, on a désormais du mal à y croire. L'Hôtel de Brienne, qui reste prêt à examiner des schémas moins ambitieux dans un premier temps, mise plutôt aujourd'hui sur une opération en « plusieurs étapes ». Exit donc l'une des dernières consolidations de l'industrie de défense franco-française entre Thales, qui devait regrouper toute l'optronique (drones tactiques, capteurs, systèmes de missiles, modernisation des avions de combat) et la navigation inertielle, et Safran, qui aurait récupéré en contrepartie toutes les activités de génération électrique et de biométrie, notamment (voir « La Tribune » du 7 décembre). « Les discussions sont enlisées et le dossier quasi enterr頻, confirme-t-on chez l'électronicien, qui renvoie la faute à Safran.Le ministère de la Défense avait pourtant tout fait pour sauver ce dossier quand, à la mi-décembre, le président du directoire de Safran, Jean-Paul Herteman, et le PDG de Thales, Luc Vigneron, avaient été réunis par Hervé Morin pour trouver un compromis entre les deux parties. Des solutions avaient été trouvées par le ministre et acceptées par les deux groupes. Comme, pour Safran, l'opération était déséquilibrée en terme d'échange d'actifs, il a été demandé à Thales de régler le solde en cash. « C'était un gros chèque », assure un connaisseur du dossier. problème interneSafran, qui voulait initialement récupérer aussi les calculateurs embarqués de son partenaire, a fait le pari que Dassault Aviation, actionnaire de Thales, s'opposerait à cette exigence et que la responsabilité de l'échec retomberait ainsi sur Thales. Sauf que Dassault Aviation a dit banco et que Jean-Paul Herteman s'est retrouvé coincé. Et a remis sur la table la revendication d'intégrer dans l'opération l'activité calculateurs embarqués. Mais Thales et son actionnaire s'y refusent.« Fondamentalement Jean-Paul Herteman est opposé à cette opération », lâche-t-on chez Thales. Pour quelles raisons ? Un comité stratégique du groupe aéronautique est prévu à la mi-février afin d'évoquer ce dossier compliqué pour Safran. « Problème d'équilibre interne », confie-t-on. En effet, les anciens de Sagem, dont Mario Colaiacovo, l'ex-patron de la société, activent leurs réseaux pour torpiller cette opération avec Thales. Clairement, si elle réussit, Jean-Paul Herteman aurait pratiquement détricoté, cinq ans après la création de Safran, la fusion Snecma-Sagem, à l'exception des activités sécurité.Que fait l'État ? Le ministère, qui « ne veut pas lâcher le morceau », a du mal à imposer ses convictions. À la Délégation générale pour l'armement (DGA), qui pousse aussi vers le regroupement, on ne veut plus entretenir deux filières, notamment dans l'optronique. Reste l'Élysée. Mais est-il intéressé par cette opération peu médiatique ?
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