Jamel en guerre contre l'humiliation ordinaire

C'est incontestablement le plus beau rôle de sa carrière. L'un des plus forts, surtout, que lui offre aujourd'hui la comédienne réalisatrice Agnès Jaoui dans Parlez-moi de la pluie, film coécrit avec son complice de toujours, Jean-Pierre Bacri. L'histoire de deux orphelines amenées à statuer sur le sort de leur domestique, ramenée d'Algérie par leurs parents au moment de l'indépendance. Karim, le fils de cette dernière, en profite alors pour réaliser un film documentaire sur l'une des deux patronnes de sa mère, féministe fraîchement entrée en politique. Jamel Debbouze tombe le masque de la comédie pour mettre à nu les blessures et les sentiments à fleur de peau de Karim, son personnage. Il réussit au final une interprétation d'une sobriété et d'une justesse rares. Peut-être parce que Karim lui ressemble. Il s'en explique.Qu'est-ce qui vous touche dans le personnage de Karim ?Son tumulte intérieur. Cette manière de ne pas être d'accord mais de ne pas l'exprimer tout de suite, par pudeur ou par éducation. Karim m'est finalement très proche. Il voudrait être réalisateur, mais n'a pas forcément les outils pour y parvenir. Heureusement, sa rencontre avec le personnage joué par Jean-Pierre Bacri lui montre que c'est possible. Pour moi, rien ne m'a jamais paru impossible. Je ne suis pas très grand, j'ai un bras dans la poche. On ne peut pas dire que je sois franchement outillé pour la vie. Mais cela ne m'a jamais empêché d'y arriver. De toutes les façons, je n'en avais pas le choix. Aujourd'hui, oui, j'ai le choix. Et c'est mon plus grand luxe.Vous partagez avec votre personnage les bribes d'une même histoire...Sa mère passe son temps à courber l'échine, à ne jamais se plaindre, à être servile. Ma mère aussi courbe l'échine. Parce qu'elle considère qu'elle a de la chance d'habiter ici, elle se la ferme. Je me souviendrais toujours de la fois où elle est rentrée à la maison, toute fière d'avoir reçu la médaille en papier de " meilleure fourmi " de l'entreprise Bouygues où elle travaillait comme femme de ménage. Cette condescendance, cette humiliation ordinaire m'avaient rendu malade.La notoriété vous permet-elle d'y échapper ?La semaine dernière, on me disait encore : " C'est vachement bien pour toi de faire ce film avec Agnès et Jean-Pierre. ""Indigènes" hier, "Parlez-moi de la pluie" aujourd'hui : on vous voit jouer dans des films plus politiques...Nous sommes politiques. Zidane qui met deux buts à la Coupe du monde, c'est politique. Et Jamel à l'Olympia, c'est politique. Ça contribue à faire avancer les choses. J'ai une responsabilité. Les micros me sont tendus, et j'essaie de m'en servir à bon escient. Ma conscience s'est aiguisée au fil des rencontres. Agnès Jaoui et Jean-Pierre sont de ceux qui m'ont fait évoluer. Ils disent ce qu'ils pensent et ils prennent parti.
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