Pourquoi Total veut vendre ses gazoducs dans le Sud Ouest

«Nous ne voulons pas de cette cession. On va se battre. La situation est très tendue. Il faut qu\'ils fassent attention», met en garde Serge Marcadier, délégué syndical CGT de la filiale de Total en charge des gazoducs dans le Sud-Ouest, TIGF. Avec ses confrères de l\'intersyndicale, il a rencontré jeudi soir Christophe Bejach, conseiller auprès du ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg.Pas d\'échange de gaz avec l\'Espagne vendrediSur place, la grogne monte. Vendredi 14 septembre, préavis de grève oblige, il n\'y aura pas d\'échange de gaz entre la France et l\'Espagne. Le volume de gaz qui doit arriver vers le Sud-Ouest, en provenance du reste de la France, sera amputé de 40%. De même que le gaz stocké dans les infrastructures de TIGF. Vendredi 27 juillet, la première journée de grève a été suivie à 90%, affirme la CGT. Dès le projet de cession de Total éventé, fin juillet, les élus socialistes des Pyrénées Atlantiques sont montés au créneau, notamment le député David Habib mais aussi la sénatrice Frédérique Espagnac, la députée-maire de Pau Martine Lignières-Cassou, et le président du Conseil général des Pyrénées-Atlantiques Georges Labazée.Un rendement garanti des capitaux de 7,25%Pourquoi Total prend-il le risque de déclencher une nouvelle fronde dans l\'Hexagone en envisageant de vendre cette filiale, pourtant très rentable ? Justement parce qu\'elle est très rentable! Exerçant une activité régulée dans les infrastructures d\'énergie, le taux de rendement des capitaux investis dans TIGF est garanti à 7,25%. C\'est la Commission de régulation de l\'énergie qui approuve les tarifs tous les deux ans en prenant soin de respecter ce chiffre. Autant dire que ce rendement garanti attire actuellement toutes les convoitises. «C\'est une pépite pour les financiers de tout poil dans le contexte actuel», souligne un banquier.Total pourrait se contenter de ce rendement. Le problème, c\'est que le pétrolier a besoin de cash. La major doit financer des dépenses toujours plus grandes pour renouveler ses réserves de pétrole. En 2011, Total a réalisé 7,7 milliards d\'euros de cessions. Pour 2012, le groupe de Christophe de Margerie a indiqué qu\'il tablait sur un produit net de cessions de 4 milliards d\'euros (après acquisitions). Or, TIGF et son rendement garanti vaut en ce moment très cher. Entre 2,5 et 3 milliards d\'euros, selon les valorisations qui circulent.Vers un regroupement avec GRTgaz ?Un bon prix pour une filiale que Total ne peut plus réellement gérer en raison du troisième «paquet» de directive européenne sur l\'énergie, entré en vigueur en France en juin 2011. Ce texte impose une «muraille de Chine» entre les infrastructures et les fournisseurs d\'énergie s\'ils veulent en rester propriétaires. Tarifs, nomination des dirigeants, investissements, Total n\'a plus la main sur ces sujets.Reste à savoir quel sera le schéma retenu. Total va-t-il se contenter d\'ouvrir le capital de TIGF comme l\'a fait GDF Suez en cédant au printemps 2011 quelque 25% de sa filiale de transport de gaz GRTGaz à la CDC associée à CNP Assurances? La CDC va-t-elle en profiter pour constituer un pôle plus vaste d\'infrastructures gazières? « Avec 15% du transit gazier national et 22% des capacités françaises de stockage de gaz, TIGF n\'a pas la taille critique. Il ne peut pas amortir ses lourds investissements de développement sur un volume de transit assez grand. Ses tarifs vont devenir plus chers que ceux de l\'autre acteur français GRTgaz », affirme un spécialiste du secteur. En clair, une fusion des deux acteurs détendraient les prix, ce qui profiterait à tous les clients du gaz en France.140 salariés qui venaient d\'accepter leur détachement de chez TotalUne idée qui peut séduire le gouvernement en ce moment. Mais pas les syndicats. «GRTgaz et Storengy, qui gère les stockages de gaz de GDF Suez, sont deux entités séparées. A l\'inverse de GITF qui détient ses propres stockages. Ce qui lui donne une souplesse d\'utilisation et une fluidité uniques», plaide Serge Marcadier (CGT). «Le conseiller de Montebourg nous a assuré que l\'Etat serait vigilant sur les obligations de service public de TIGF», ajoute-t-il. Une nécessité face à l\'appétit affiché pour ce type d\'actifs des fonds étrangers, notamment chinois et du Moyen-Orient.En attendant, les syndicats sont particulièrement remontés parce que Total venait de boucler avec eux une négociation qui a duré deux ans, au terme de laquelle 140 salariés TIGF, détachés de chez Total, ont opté pour leur rattachement à un autre statut. «A peine ce texte signé, ils comprennent qu\'ils en seront plus ni chez Total, ni dans une filiale de Total», souligne un délégué syndical. «Ils se sentent trahis». Peut-être, mais les près de 500 salariés de TIGF sont désormais tous sous le même statut. C\'est plus simple en cas de cession. Total a fait savoir qu\'il se donnait jusqu\'à la fin de l\'année pour prendre une décision dans ce dossier. 
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