Si l'euro n'était pas là...

Cette phrase-là, vous allez l'entendre des dizaines de fois dans les semaines et les mois qui viennent. On va se plaindre de l'euro en Grèce, au Portugal, en Espagne, en Italie, où Berlusconi va sûrement, en cas d'attaque contre la dette italienne miraculeusement épargnée pour l'instant, prôner à nouveau le retour à la lire. En France aussi, où on se plaint de tout mais où le vieux franc a perdu son premier défenseur, Philippe de Villiers, depuis qu'il a rallié l'UMP. On va sûrement aussi voir fleurir une dizaine de livres sur la disparition imminente de l'euro, toujours annoncée depuis sa création. Les Anglo-Saxons, qui vivent l'euro comme une insulte personnelle, vont sûrement eux aussi alimenter la polémique : ils rêvent d'un retour aux monnaies nationales pour avoir plus d'espace pour spéculer. Au-delà des effets de manche et des effets de mode, une question se pose : quelle serait la situation aujourd'hui si l'euro n'existait pas ?Première étape : toutes les monnaies « faibles » du Système monétaire européen seraient attaquées par les George Soros and co comme en 1992 ou en 1995. Les gouvernements et les banquiers centraux nationaux répéteraient haut et fort qu'ils ne céderont jamais à la pression des vils spéculateurs. Pour défendre leur monnaie, la Grèce, l'Espagne et le Portugal seraient obligés de monter leurs taux à 12 % voire 15 %, asphyxiant des économies déjà fragilisées par la crise. La France serait atteinte par ricochet et les taux en France seraient relevés jusqu'à 8 % au minimum, tuant dans l'oeuf une reprise déjà anémique. Seule l'Allemagne verrait le deutsche mark s'envoler, jouant le rôle de valeur refuge. Les actions en Europe seraient sous pression et les indices boursiers chuteraient de près de 15 %. Après quelques semaines de lutte vaine, après des interventions presque quotidiennes sur le marché des changes de la Bundesbank, de la Banque de France, de la Banque de Grèce et des autres, un réalignement au sein du SME serait annoncé par « surprise » pendant un week-end, dévaluation des devises faibles, réévaluation du deutsche mark. Les hedge funds encaisseraient leur profit dès le lundi matin. Les pays à devises dévaluées profiteraient quelques semaines, voire quelques mois, mais guère plus, d'un avantage compétitif à l'exportation. La volatilité rebaisserait pendant quelques semaines aussi. Puis, quelques mois plus tard, tout recommencerait comme avant. Car quand l'euro n'existait pas, les attaques spéculatives se produisaient par vagues à intervalles réguliers.Alors, me direz-vous, aujourd'hui ce n'est pas très différent. Ce ne sont pas les devises qui sont attaquées mais les obligations des pays faibles et ces pays n'ont même pas la possibilité de dévaluer pour relancer leur compétitivité. C'est partiellement faux. Tout d'abord, les attaques spéculatives font baisser, l'euro ce qui favorise les exportations européennes et en particulier les exportations allemandes ; du coup l'Allemagne a plus de marge de manoeuvre pour aider les autres pays de l'Union européenne. D'autre part, aujourd'hui, au plus fort de la crise, les taux grecs, les plus élevés de la zone, ne sont « qu'࠻ 6,5 %. C'est certes plus que les 3,2 % de l'Allemagne mais on est loin de la zone des 10 % à 15 % des crises monétaires du SME. Enfin, la taille du marché de la dette et sa liquidité sont moins propices à la spéculation que sur le marché des devises, un marché gigantesque. Il est donc plus facile d'y ramener un peu d'ordre.N'en déplaise aux passéistes qui rêvent de décroissance et de retour au franc, voire au troc et à l'âge de pierre économique, l'euro est un formidable amortisseur de chocs. La Banque centrale européenne gère parfaitement la crise. Il manque cependant un pilote dans l'avion économique, un vrai ministre des Finances de l'Union européenne. Même s'il n'est pas aussi charismatique que le truculent Herman Van Rompuy, sa nomination mettrait un peu d'ordre au sein de l'Union. En attendant, vive l'euro.?à contre-courant marc fiorentino Stratège d'Allofinance.com
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