La mort en direct

Sommes-nous capables de devenir des tueurs si une autorité sait bien s'y prendre pour nous le demander ? France 2 pose ce soir la question à travers deux documentaires fascinants, écrits et produits par le chevronné Christophe Nick dans le cadre d'une émission spéciale « Jusqu'où va la télé ? ». Le premier, le « Jeu de la mort », glaçant, pousse chacun à s'interroger sur sa capacité à résister à la soumission. Il s'agit d'une transposition de la célèbre expérience de psychologie sociale mise au point par le chercheur américain Stanley Milgram en 1963. Milgram voulait comprendre comment fonctionnaient les mécanismes de l'obéissance d'un individu face à une autorité. La production a donc imaginé un jeu télévisé où un questionneur (un quidam persuadé de participer à une émission diffusée à l'antenne) interroge un candidat (un acteur). À chaque mauvaise réponse, celui-ci reçoit une décharge électrique (simulée mais le questionneur ne le sait pas) dont la puissance va crescendo (jusqu'à 460 volts). Seulement 16 ont désobéiLe tout conduit sous l'autorité d'une animatrice (Tania Young, dans la confidence) et face au public. Sur 69 questionneurs, 9 ont arrêté le jeu entre 100 et 220 volts, 7 entre 320 et 420 volts. Soit un total de 16 « désobéissants ». Les autres sont allés jusqu'au bout... Or, « dès » 180 volts, le candidat demandait l'arrêt du jeu et ne donnait plus signe de vie à 380 volts. L'analyse du comportement des questionneurs est des plus intéressantes. Car Christophe Nick a pris soin de s'associer à des scientifiques reconnus (tel Jean-Léon Beauvois, spécialiste de la psychologie sociale) pour valider et tirer les enseignements de son expérience. Plus classique mais tout aussi efficace, « Le temps de cerveau disponible » (le deuxième documentaire) montre l'évolution des jeux télévisés et des émissions de téléréalité : toujours plus cruels, délirants et humiliants. Bernard Stiegler, philosophe, tire la sonnette d'alarme quant aux conséquences sur les cerveaux de cette tendance. Et les dangers ne sont peut-être pas là où l'on croit. Jean-Christophe Chanut
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