Quand le cinéma rend la justice

C'est l'histoire d'un procès comme le cinéma les aime, avec des protagonistes au profil psychologique bien marqué?: les gentils, les méchants, les profiteurs, les apôtres. « Cleveland contre Wall Street » (aujourd'hui sur les écrans), du réalisateur suisse Jean-Stéphane Bron, respecte ces codes. Ce docu-fiction raconte pourquoi et comment Josh Cohen et ses associés, avocats de la ville de Cleveland (Ohio), ont assigné en justice les 21 banques qu'ils jugent responsables des saisies immobilières qui dévastent leur ville. Avec, à la clé, 100.000 personnes expulsées. À travers ce procès fictif - le vrai n'a pas pu avoir lieu -, c'est toute « l'affaire » des subprimes qui est décortiquée et analysée. Le propos est rendu crédible par le fait que tous les intervenants sont des personnages réels?: les expulsés, le juge, les avocats, les témoins sont à l'écran ce qu'ils sont réellement dans le civil. On suit jour après jour le déroulé des audiences. On est affligé devant les méthodes employées par les courtiers, payés à la commission, pour placer des subprimes auprès de pauvres gens crédules qui pensent accéder sans risque à la propriété. On reste pantois devant le cynisme de Keith Fisher, l'avocat des banques, qui n'hésite pas à mettre la responsabilité du côté des expulsés, considérés comme immatures. Non sans raison d'ailleurs, il montre que c'est le gouvernement Bush qui a souhaité faciliter l'accès à la propriété, les banques n'ayant fait que relayer cette volonté politique. On est mal à l'aise en écoutant Michael Osinski (qui affiche son repentir), créateur pour Wall Street d'un logiciel qui facilitera la transformation des hypothèques en produits financiers, via la titrisation. On suit, enfin, les délibérations du jury. Et on s'émeut en écoutant cette mère de famille, gagnant huit dollars de l'heure, expliquer que, avec si peu, on ne peut pas faire vivre une famille. Alors, comment résister quand un courtier vous propose un crédit?? Vient l'heure du verdict. Les banques sont-elles coupables?? Un film honnête qui, de façon clinique, remonte la chaîne des responsabilités d'une crise que le monde entier n'a pas encore fini de payer. Jean-Christophe Chanut
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