« Seuls les sukuk émis par les États ont prouvé leur résilience »

Quels sont les principaux obstacles au développement de la finance islamique en France ? La première contrainte est tout simplement législative. Il n'existe toujours pas de législation qui permette à la finance islamique de se développer en France. Au moins trois banques du Golfe ont fait une demande de licence pour la banque d'investissement, principalement en vue d'émettre des sukuk [obligations islamiques, Ndlr]. Les autorités bancaires et fiscales devraient délivrer des licences très prochainement. Pour la banque de détail, le travail est plus lent. Différents comités du gouvernement tentent actuellement de réconcilier la loi française avec les règles de la charia en ce qui concerne le financement immobilier, le crédit à la consommation, etc. Par exemple, dans une transaction immobilière islamique (murabaha), le prêteur achète le bien et fait payer le remboursement du capital et un loyer à l'emprunteur. Une fois le capital remboursé, la propriété est transférée à l'emprunteur. Cette double transaction peut avoir des conséquences fiscales lourdes. À la différence du Royaume-Uni, où la banque de détail s'est développée avant la banque d'investissement, il n'est pas sûr que la France soit réellement prête à fournir des licences aux banques qui veulent opérer dans le pays.Quels sont les freins à son internationalisation ?Chaque pays détient sa propre autorité de réglementation en matière de finance islamique avec des interprétations de la loi qui peuvent différer. Ainsi, une personne à Bahreïn ne peut acheter un sukuk en Malaisie. Et ce, même si des efforts ont été faits en termes de standardisation, notamment dans le domaine de la réglementation avec la création de l'Islamic Financial Services Board (IFSB). Celui-ci compte environ 150 membres, dont les autorités nationales, la Banque mondiale, le FMI, et ?uvre à la définition de standards dans la gouvernance d'entreprise, le « risk management », etc.Des zones d'ombre subsistent. Que se passe-t-il, par exemple, en cas de défaut sur un sukuk ?Il n'y a en effet dans ce domaine pas de règle claire. Deux cas de faillites d'émetteurs de sukuk se sont d'ailleurs produits cette année (Investment Dar au Koweït et Saad Group en Arabie saoudite) sans trouver encore de solution. Les investisseurs ne savent toujours pas s'ils vont récupérer une partie de leur investissement. En théorie, les investissements sont garantis par des actifs physiques, mais en pratique, les banques islamiques émettent aussi des sukuk sans garanties physiques réelles. Les seuls sukuk qui ont vraiment démontré leur résilience sont ceux émis par les gouvernements. Propos recueillis par M. B.Anthony O'Sullivan est chef de division, direction des affaires financières et des entreprises à l'OCDE.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.