La dette grecque, tonneau des Danaïdes pour les créanciers publics

Le stock de la dette grecque n\'a diminué que de 11,9 milliards d\'euros en 2012 par rapport à 2011, soit à peine plus d\'un dixième des remises négociées âprement avec les banques en 2011 et 2012, selon les calculs de l\'économiste Zsolt Darvas, du think tank Bruegel.Moyennant quoi la dette devrait « toper » les 190% de PIB autour de 2014 au lieu de ne culminer « qu\'à » 167% comme il était prévu dans le précédent rapport officiel de mars 2012, selon ses estimations qui convergent avec celles de la troïka, l\'attelage des hommes en noir du Fonds monétaire international (FMI), de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne (BCE).Quels effets a produit le \"hair cut\"?Où sont passés les dizaines de milliards d\'euros rendus par les investisseurs privés au terme d\'une opération de restructuration sans précédent ? Effacés par la récession et la baisse consécutive des rentrées fiscales, par le manque à gagner sur les privatisations et la charge colossale des intérêts des nouvelles dettes. Sur un déficit prévu de 15,1 milliards d\'euros en 2012, 11,7 milliards correspondent aux intérêts de la dette ! Le déficit primaire (la différence entre entrées fiscales et dépenses hors intérêts de la dette) n\'est « que » de 3,4 milliards d\'euros.Si l\'on s\'en tient aux cinq étapes du deuil devenues un classique de la psychiatrie, Pierre Moscovici et ses seize homologues de la zone euro devraient donc friser la dépression à la seule idée de se pencher à nouveau sur ce dossier, plat unique au menu de leur rencontre de mardi soir à Bruxelles.Se payer de motsEn 2009, la crise s\'était ouverte dans le déni des pertes à venir. On pensa rendre vie à la solvabilité d\'Athènes avec 120 milliards et un plan dessiné « sur la ligne de crête », reconnaitra plus tard un de ses artisans. Cela aurait peut-être marché si le reste du monde avait été porté par une saine croissance. Mais dans un environnement toxique comme celui de l\'après 2008, c\'était se payer de mots.Au déni succéda la colère, tournée vers les banques. On décida en 2011 la fameuse « participation du secteur privé » au prix d\'un déferlement spéculatif sans précédent. Aujourd\'hui, on s\'aperçoit que la solution au risque de défaut reste à trouver. Proprement déprimant !Les ministres des Finances de la zone euro ont deux problèmes à régler. Il faut d\'abord combler le trou. L\'argent du deuxième plan ne suffira pas à payer les factures et les intérêts de la dette jusqu\'à 2014. Au bas mot, deux ans supplémentaires sont nécessaires, soit environ 32 milliards d\'euros. C\'est désormais une hypothèse de travail.Tous les paramètres du plan doivent être revusMais ce n\'est pas tout. Même avec cette rallonge, l\'objectif de moyen terme qui est, précisément, la disparition du « gap », autrement dit d\'un besoin de financement par des créanciers publics, ne disparaîtra pas. Il faut donc revoir tous les paramètres du « plan ». Et là, on nage en plein brouillard. L\'ambition de la réunion de mardi est de tenter de le lever.La question est désormais de savoir quand les Européens vont passer de la dépression à l\'acceptation... de leurs pertes. Autrement dit quand arrivera l\' « OSI », cette « participation du secteur public » réclamée à corps et à cri par les marchés.Une certitude : les créanciers publics, désormais principaux créanciers de la Grèce, ne veulent pas se réserver le même traitement que les banques qui ont accepté de renoncer « volontairement » aux deux tiers de la valeur faciale de leurs obligations. Mario Draghi l\'a dit et répété : l\' « haircut » est un « no go ». Le président de la Banque centrale européenne ne peut simplement pas accepter cette monétisation aussi évidente.Toutes les options sont sur la tablePour le reste, toutes les options possibles sont sur la table, reconnaissait la semaine dernière un haut fonctionnaire. Les principales sont détaillées, avec autant de clarté que possible, dans l\'étude de Zsolt Darvas.Une consiste à racheter au moyen de nouveaux titres les quelque 56 milliards d\'euros d\'obligations que la BCE a elle-même acquise à une valeur (non communiquée) mais estimée à 83% de leur valeur faciale. Cela permettrait de réduitre la dette de 10 milliards d\'euros environ, sans entraîner de pertes pour la BCE qui ne fait que renoncer à un profit théorique (en cas de remboursement au pair).Une autre consiste dans l\'accélération des privatisations (pour environ 20 milliards d\'euros) par la vente des actifs à une agence internationale qui serait chargée de trouver des acquéreurs (gain estimé 20 milliards d\'euros). Une autre consiste à baisser les taux sur les prêts bilatéraux. Une quatrième à racheter ce qu\'il reste de titres détenus par le privé au moyen d\'un nouveau prêt des fonds européens, une opération qui pourrait réduire la dette d\'environ 23 milliards d\'euros et sur laquelle travaillent les Trésors nationaux.L\'ensemble de ces mesures permettrait de « couper » 44 milliards la dette. Mais cela reste insuffisant pour atteindre l\'objectif de 120% de dette en 2020 qui était la condition de participation du FMI au programme.Des prêts à \"intérêt zéro\" assortis d\'un allongement des maturitésAussi Zsolt Darvas recommande une dernière solution, plus radicale et apparemment respectueuse de la règle du « no hair-cut » : une politique d\'« intérêt zéro » de la part de tous les créanciers publics jusqu\'à 2020, assortie d\'un allongement des maturités.C\'est la seule solution, selon lui, pour retrouver un niveau de dette supportable en 2020 (environ 100% de PIB, ce qui est déjà considérable, la moyenne de la zone euro étant actuellement de 90%). Quand on y regarde de près, cette politique n\'est rien d\'autre qu\'une restructuration pure et simple car la valeur actualisée d\'une obligation sans coupon est évidemment très différente de la valeur actualisée d\'une autre obligation de même valeur faciale mais sur laquelle est versée 3 ou 5% d\'intérêts annuels.Conclusion, il va bien falloir faire le deuil d\'une partie de ces avoirs sur la Grèce. Mais il y a de fortes chances pour que son acceptation prenne encore beaucoup de temps. La dépression de la zone euro sous le coup des pertes grecques risque donc de durer. Ce n\'est pas une bonne nouvelle.
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