« C'est nous qui devrons nous adapter  !  »

Quel regard portez-vous sur la Chine d'aujourd'hui ?Mon premier voyage en Chine date de 1978, lorsque j'ai mené une délégation de l'Institut Mérieux à Pékin pour rencontrer nos homologues dans les vaccins humains et vétérinaires. À l'époque, il n'y avait qu'un seul hôtel, l'« Hôtel de l'Amiti頻 ! En 1986, je suis retourné en Chine en tant que vice-président du conseil régional de Rhône-Alpes. J'y ai rencontré Jiang Zemin, alors maire de Shanghai, devenu plus tard président du pays. Pendant douze ans, dans le cadre de ces fonctions, je suis allé régulièrement en Chine, accompagné d'universitaires français. J'en ai conservé un grand respect et beaucoup d'amitié pour ce pays. L'université de Shanghai est très francophile. Aujourd'hui, je vais en Chine deux fois par an. En matière scientifique et d'innovation, la Chine se transforme très rapidement, grâce à une élite scientifique formée sur place et au retour encouragé de la diaspora des chercheurs chinois. Sur près de 360 collaborateurs, nous n'avons que 3 expatriés.BioMérieux est présent dans le pays depuis plus de vingt ans...Depuis le début, notre siège local est à Shanghai. Nous avons aussi deux laboratoires de recherche, l'un en cancérologie au Fudan University Shanghai Cancer Center, l'autre à Pékin dédié aux agents pathogènes émergents. Cette unité mixte créée par BioMérieux avec l'Académie chinoise des sciences médicales a été transférée à la Fondation Mérieux. Notre chiffre d'affaires [non communiqué, Ndlr] a augmenté de 25 % en 2009.Quel est l'enjeu pour une société comme la vôtre ?C'est la démographie qui nous guide : en matière de santé, on ne peut pas ne pas être en Chine. Nous voulons répondre aux deux grands besoins de santé publique : les infections nosocomiales et la sécurité alimentaire, via Silliker [société américaine détenue à 89 %, Ndlr] qui possède deux laboratoires à Pékin et Shanghai. Pour Transgene [biotech dont Mérieux détient 55 %, Ndlr], la collaboration devrait se traduire par une opération commune avec une société pharmaceutique basée à Tianjin, près de Pékin. Nous espérons à terme une coentreprise pour développer des vaccins thérapeutiques contre les pathologies chinoises : hépatite, cancer... Nous avons beaucoup de partenariats de recherche. À la vitesse où le pays se développe, les Chinois atteindront le niveau américain dans cinq à dix ans.Y a-t-il des risques à travailler avec la Chine ?C'est un pays qui ne se comporte pas comme la vieille Europe. Il ne va pas s'adapter à nous, c'est nous qui devrons nous adapter à lui ! Dans le business, il faut toujours être vigilant, même en France. Mais il faut aussi de l'enthousiasme. Il n'y a pas de précaution particulière à prendre dans le domaine de la santé. À terme, le pays réglera lui-même ses besoins de santé publique en bâtissant ses propres infrastructures. Aujourd'hui, cela s'accompagne en amont d'efforts en matière de formation et de recherche : la Chine est numéro un en potentiel de séquençage [processus de recherche fondamentale, Ndlr]. Oui, certains de nos produits sont copiés, mais cela fait partie du jeu. Nous essayons de défendre nos intérêts tout en nous adaptant à l'environnement local.En tant qu'industriel, avez-vous dû renoncer à certaines exigences ?Non, mais il ne faut pas se faire d'illusion : jamais la Chine n'acceptera de payer des produits de santé publique aux prix américains ou européens. Il leur faudra de la qualité à un prix de revient bas. C'est pour cela que, à l'instar de ce que fait Danone, les entreprises de santé qui réussiront sur place sont celles qui sauront produire massivement à bas coûts. Cela est possible, y compris pour les médicaments, si les volumes sont là.Pourriez-vous envisager une grosse acquisition ?Ce n'est pas d'actualité : dans le diagnostic, il n'y a pas encore de gros acteur local. En revanche, nous allons implanter d'ici à fin 2012 notre propre usine à Shanghai, sur 2 hectares, et installer notre siège dans le quartier de Pudong. Car, en Chine, il faut être chinois. Nous disposons déjà de moyens de production de tests rapides et de milieux de culture.Propos recueillis par Audrey Tonnelier ? Demain, Michel Pébereau, président de BNP Paribas
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