Les nuages s'accumulent sur la croissance chinoise

La vigueur de la croissance en Chine laisse rêveurs de nombreux experts qui n'hésitent plus à présenter l'empire du Milieu comme le sauveur des grands pays industrialisés. La résurgence de cette fameuse théorie du découplage ne nous convainc pas plus aujourd'hui qu'hier. Les taux de croissance à deux chiffres affichés actuellement ne nous apparaissent pas en effet soutenables car ils résultent d'une politique monétaire totalement inadaptée, poussant à la spéculation et faisant enfler une bulle gigantesque dans l'économie réelle. Et l'heure de sa résorption n'est peut-être plus très lointaine.En maintenant une sous-évaluation chronique du yuan, estimée à environ 40 %, les autorités chinoises se sont trouvées contraintes depuis de nombreuses années à importer la politique monétaire américaine, particulièrement expansionniste. Or cette dernière s'avère totalement inadaptée au régime de croissance de la deuxième économie mondiale?: tandis que le PIB croît à un rythme supérieur à 10 %, les taux réels n'atteignent qu'à peine 2 %... Un tel écart ne pouvait déboucher que sur l'explosion de l'endettement en Chine, qu'il soit privé ou public, via les régions. D'autant que les autorités ont décidé d'utiliser le crédit bancaire comme outil de financement du gigantesque plan de relance adopté fin 2008 (plus de 14 % du PIB). Le volume de crédits en Chine a ainsi atteint des niveaux inédits dans l'histoire économique moderne, avec plus de 40 % du PIB distribué en seulement un an et demi. Cet afflux de liquidités dans l'économie entraîne aujourd'hui une forte reprise de l'inflation en Chine, pourtant considérée comme l'ennemi public numéro un?: l'inflation totale progresse désormais de 3 %, l'inflation alimentaire de plus de 6 %, mais ce sont surtout les prix à la production qui ont explosé, augmentant dorénavant à un rythme de plus de 15 % en glissement annuel... Dans cette veine, les prix de l'immobilier poursuivent leur flambée, avec une hausse vertigineuse de + 10 % au cours du seul premier trimestre?! Le poids de la construction atteint désormais un sommet à 12 % du PIB, dépassant de loin le niveau atteint par les États-Unis en 2006 (6,3 % du PIB) et se rapprochant à grands pas du record espagnol (13 % du PIB). Autre preuve de la formation d'une bulle gigantesque?: les logements deviennent de plus en plus inaccessibles. Le ratio prix sur salaire atteint des niveaux stratosphériques, avec 8,5 en moyenne et même 14 dans les régions côtières.Chose moins courante mais non moins inquiétante, le gouvernement central semble avoir complètement perdu la main sur les finances publiques locales depuis un an et demi?: en exigeant des banques qu'elles injectent massivement de l'argent dans l'économie avec un certain laxisme, les autorités ont provoqué l'emballement de l'endettement des régions via des circuits totalement opaques. Profitant d'une monnaie commune, les régions en ont profité pour s'endetter lourdement afin d'assurer des taux de croissance à deux chiffres, condition nécessaire à l'enrichissement mais aussi au maintien de la paix sociale. Depuis début 2009, les collectivités locales se livrent entre elles une compétition féroce, tentant par tous les moyens d'attirer les investisseurs et de créer des infrastructures, sources de recettes fiscales. Les montants en jeu sont colossaux?: l'endettement local atteindrait 34 % du PIB, dont plus de 60 % aurait été contracté au cours de la seule année 2009... Ce nouveau genre de subprime à la chinoise fait peser un risque d'implosion bancaire majeur au pays, dont la croissance n'a jamais reposé sur des fondations aussi fragiles qu'aujourd'hui. Dernier facteur d'inquiétude, la hausse récente de la monnaie chinoise, qui atteint désormais ses plus-hauts d'il y a presque vingt ans en termes réels. La perte de compétitivité associée devrait perdurer au regard de la faiblesse des économies industrialisées et finira par peser négativement sur les exportations (36 % du PIB). Au regard de l'ensemble de ces facteurs, nous nous attendons à un ralentissement prononcé de la croissance chinoise à partir de 2011, ce qui ne facilitera pas la tâche des pays industrialisés.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.