Les abeilles et les pauvres, des intérêts communs ignorés

La perte de biodiversité est un thème récurrent de la dégradation environnementale à l\'œuvre sur la planète, et le sort des abeilles en est tout à la fois un symbole et un baromètre hors pair. A ce sujet, les nouvelles ne sont pas brillantes. En témoignent deux informations rendues publiques il y a quelques jours, en provenance d\'outre-Atlantique mais très représentatives de la situation globale : après pas moins de douze ans de recherche, une équipe de chercheurs de la prestigieuse université de Harvard est en train de finaliser la mise au point d\'un robot-abeille sensé se substituer aux insectes frappés de mortalité exceptionnelle.Observée de longue date et imputée, au moins en grande partie, aux pesticides, elle a atteint un tiers des colonies américaines cet hiver. Or leur disparition pure et simple et l\'absence de pollinisation qui en résulterait auraient des conséquences désastreuses. La chaîne de supermarchés bio Whole Food a diffusé une image effrayante de ce à quoi rassembleraient alors ses rayons. Reprise en boucle sur Twitter, cette photo est certainement plus efficace que de longs discours sur le sujet...Le lien entre inégalités et dégradation de l\'environnement à nouveau soulignéMais parviendra-t-elle jusqu\'aux premiers concernés ? Rien n\'est moins sûr. Car les plus touchés par cette dégradation environnementale sont les populations les plus défavorisées, les couches les plus pauvres au sein d\'un pays ou les pays les moins développés à l\'échelle internationale.Plus encore que leur situation dans l\'absolu, ce sont les inégalités qui tout à la fois alimentent et découlent de cette fragilité face aux risques environnementaux. C\'est ce que s\'emploie à démontrer une note du think tank rattaché à la fondation Nicolas Hulot, opportunément publiée la veille de la conférence sociale qui se tient ce jeudi 20 juin. Ce lien entre inégalités et environnement présente de multiples facettes.Les plus pauvres sont les plus menacésAu niveau des individus comme des pays, les plus pauvres sont en effet ceux qui souffriront le plus, à terme, de la dégradation de l\'environnement (pollution de l\'air, de l\'eau, des sols, etc.) et de l\'épuisement de ressources naturelles (bois de chauffe, eau potable ou nécessaire à l\'assainissement...) Dans les pays développés, les études sont légion qui démontrent le lien (plus précisément, le cercle vicieux) entre niveau social et exposition à un environnement dégradé, en termes d\'espérance de vie, de morbidité, de niveau d\'études...une injustice qui tend d\'ailleurs à se répéter de génération en génération. Collectivement fragilisées par cet état de fait, ces populations sont également moins résistantes face à des catastrophes naturelles auxquelles elles sont de toutes façons plus exposées, et moins aptes à s\'adapter aux conséquences, notamment, du réchauffement climatique ou de toute forme de pollution. De surcroît, cela les rend moins à même de s\'organiser de façon efficace pour s\'opposer aux pratiques qui mettent en danger leur environnement, qu\'elles soient le fait d\'industriels ou des politiques locales.D\'abord survivre, ensuite imiter les plus aisésDe toutes façons, bien qu\'elles en soient les premières victimes, ces populations (ou pays) défavorisées sont globalement peu sensibles à la cause environnementale dans la mesure où elles doivent en priorité lutter pour leur survie. Pour infondé qu\'il soit, l\'adage selon lequel « l\'écologie est une affaire de riches » a la vie dure.Et pour peu qu\'ils aient accédé à un niveau de vie plus élevé, les individus comme les pays sont dès lors animés du désir de rattraper les plus aisés, ou à tout le moins d\'en imiter les modes de consommation, lesquels sont en général peu respectueux de l\'environnement.Sur le plan économique et politique, les inégalités rendent plus complexe encore l\'application de principes de compensation, comme l\'ont illustré les difficultés à faire entendre la nécessité d\'une taxe carbone en France, accusée d\'être socialement insoutenable.Une situation qui favorise l\'irresponsabilité écologique...des richesEnfin, l\'existence de ces inégalités accroît la propension naturelle à l\'irresponsabilité écologique. Les individus comme les Etats les plus riches (et leurs industriels) ont en effet une fâcheuse tendance à transférer les dommages environnementaux dont ils sont responsables vers les plus pauvres, mal armés pour s\'y opposer comme on l\'a vu.A l\'échelle internationale, sans remonter à la catastrophe de Bhopal (Inde) en 1984, les exemples sont malheureusement légion, notamment en matière de déchets toxiques ou d\'implantation d\'usines polluantes et mal sécurisées.Ces sujets, richement étayés de recherches au niveau international, rencontreront-ils l\'intérêt espéré lors de la conférence sociale ? On peut en douter lorsque l\'on constate, au grand dam des professionnels concernés, que la question des filières liées à la transition énergétique n\'est pas annoncée à l\'ordre du jour...   
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