Proglio a-t-il le bon profil pour EDF  ?

Taclé par l'un de ses ministres de tutelle avant même de prendre ses fonctions. Peu de présidents d'EDF peuvent se vanter d'une telle entrée en matière. En fin de semaine dernière, Henri Proglio a été remis publiquement à sa place par Christine Lagarde. « Que chacun s'occupe de ses dossiers. Il a déjà beaucoup à faire », lançait vendredi matin sur RTL la ministre de l'Économie en réaction aux premiers propos publics du futur patron d'EDF. Peu communs eux non plus puisque, une semaine avant sa prise de fonctions, Henri Proglio affirmait dans la presse que la filière nucléaire française serait plus performante si EDF entrait au capital d'Areva. « C'est la plus mauvaise façon d'arriver à ses fins », ricanait le soir même l'un de ses concurrents industriels. Un stratège gaffeur Ce n'est pas la première fois qu'Henri Proglio fait exploser en vol l'un des schémas industriels provocateurs dont il a le secret. En 2006, à la recherche d'une évolution stratégique majeure pour Veolia ? les services aux collectivités de Vivendi qu'il a sauvé de la faillite Messier ? Henri Proglio, conseillé par Alain Minc, ourdit successivement deux man?uvres. Aux résultats aussi calamiteux l'une que l'autre.Début 2006, il s'associe au projet de raid hostile de l'électricien italien Enel sur son grand concurrent Suez. Certains se demandent même si ce ne sont pas les deux Français qui ont soufflé l'idée à Enel. Résultat : le patron de Suez, Gérard Mestrallet, fin politique, saisit l'occasion pour faire accepter par le gouvernement son projet de « fusion » avec Gaz de France. Henri Proglio ne peut que constater les dégâts. Il a bel et bien aidé son rival à devenir l'un des tout premiers groupes énergétiques mondiaux.Obstiné, en juin 2006, il songe à marier Veolia avec Vinci, le numéro un mondial du BTP, en s'appuyant sur les synergies de leurs métiers communs de gestion de concessions. Las. Henri Proglio n'a même pas le temps de présenter son projet dans les formes au conseil d'administration de Vinci que ses adversaires le font « fuiter » dans la presse. Devant le tollé général ? le titre Veolia perd 7,97 % en une journée ? Henri Proglio se rétracte, semblant donner raison à ses détracteurs, qui hurlent à « l'improvisation ».Sitôt annoncé, son prochain projet ? faire de EDF, avant la fin du premier semestre 2010, le premier actionnaire de Veolia avec 15 % du capital ? fait l'objet de vives critiques. Un exportateur peu rompu à la diplomatie Henri Proglio s'affiche comme le futur patron de « l'équipe de France du nucléaire » cher au c?ur de l'Élysée. Il juge urgent de redonner à EDF son rôle de chef de file. Ce ne sera peut-être pas sa tâche la plus aisée. Si Veolia réalise environ 60 % de son chiffre d'affaires à l'international, ses positions ont été décrochées, contrat par contrat, à des collectivités locales ou à des industriels. Mais « vendre du nucléaire, c'est une affaire d'État à État », rappelle un spécialiste du secteur. Y compris les opérations de croissance externe, comme le rachat par EDF en 2008 de l'exploitant nucléaire British Energy, directement négocié avec le gouvernement britannique.Après trente-sept ans de carrière dans le privé, Henri Proglio va non seulement devoir apprendre à vivre avec ses tutelles publiques, mais devra en outre faire des progrès en diplomatie. « J'ai souvent amicalement reproché à Henri de ne pas savoir s'y prendre à l'international », soupirait fin septembre un ambassadeur de France de ses amis avant d'ajouter : « Il néglige trop les aspects politiques et diplomatiques, pourtant essentiels dans ces métiers. » Un praticien des relations sociales « à l'ancienne » Les relations sociales, un enjeu traditionnellement très important chez EDF, sont redevenues un point sensible pour le groupe au printemps dernier lorsque les syndicats classiques, en particulier la toute-puissante CGT, se sont retrouvés débordés par leur base et par SUD. Grèves et pépins techniques dans le nucléaire vont coûter la bagatelle de 1 milliard d'euros à EDF en 2009. Mais surtout, la centrale de Montreuil pèse lourd, depuis toujours, dans les décisions prises par l'électricien national et par sa tutelle. D'anciens membres du syndicat siègent au comité exécutif. En 2004, Nicolas Sarkozy, alors ministre des Finances, a négocié directement avec Bernard Thibault le changement de statut d'EDF, prélude à son introduction en Bourse. Certains restent persuadés que la CGT en a profité pour obtenir des engagements précis. Une enquête judiciaire est encore en cours, après la plainte en 2004, de salariés de la Caisse centrale d'activités sociales d'EDF qui accusaient les dirigeants de celle-ci de financer la CGT et le PC.À la tête de Veolia, Henri Proglio, réputé proche de la CGT, n'a pas modifié les relations sociales mises en place par ses prédécesseurs, fondées sur une gestion des intérêts réciproques et des pratiques à « l'ancienne ». « Les syndicats de chez Veolia sont bien nourris », résume un industriel du secteur. Christophe Montgermont, ex-délégué FO du groupe, en témoignait fin 2007 à l'AFP : « Un système a été mis en place par Jean-Marie Messier, mais a perduré sous Henri Proglio, pour rémunérer en liquide quasiment tous les représentants du personnel de province qui négocient à Paris », expliquait-il. « En 1997, je suis allé négocier au siège à Paris, et à la fin, on m'a emmené dans un bureau et on m'a versé 1.500 francs (225 euros) en liquide, cinq fois plus que les frais engagés du déplacement, et sans justificatif. » Il cite également le cas d'un responsable régional du groupe qui lui aurait proposé d'acheter « des pages de publicité dans les journaux syndicaux » à « 600.000 francs (90.000 euros) la page », pour « lever le pied au niveau syndical ». Des allégations évidemment contestées par Veolia. Un chef de bande Chez EDF, « je vais commencer par supprimer les cabinets », a indiqué Henri Proglio au quotidien « Les Échos » lundi 23 novembre. « EDF est une administration cotée en Bourse qui va devenir une entreprise? » Ce programme, qui n'en finit pas de faire trembler au dernier étage du siège d'EDF, avenue de Wagram à Paris, n'étonne pas ses collaborateurs chez Veolia. Grand affectif, Henri Proglio a besoin d'être dans une relation de confiance très serrée avec ses plus proches lieutenants. Sa garde rapprochée chez Veolia est composée de dirigeants formés à la CGEA (Compagnie générale d'entreprises automobiles), filiale de la Générale des Eaux qu'il a longtemps dirigée. Comme Antoine Frérot, son successeur à la tête du géant des services aux collectivités, et Denis Gasquet, responsable de l'activité propreté. Un partisan de l'endettement comme relais de croissance Endiguer l'endettement d'EDF, passé de 16,3 milliards d'euros fin 2007 à 24,5 milliards fin 2008, fait partie des priorités fixées par l'État à Henri Proglio. Même si Pierre Gadonneix, artisan de cette évolution, estime que cette « dette représente 2,5 fois les capacités annuelles de remboursement d'EDF, un ratio très raisonnable », inférieur à celui de ses concurrents. Pas de quoi effrayer Henri Proglio qui a bâti le modèle économique de Veolia en s'appuyant sur la dette comme effet de levier assumé. Pour décrocher de très rentables contrats à long terme, Veolia doit investir au départ des sommes importantes dans la construction ou la rénovation des infrastructures. C'est la fameuse courbe en J du retour sur capitaux employés, brandie par le management de Veolia pour rassurer la communauté financière. Ces derniers temps, la crise a rendu le sujet tellement sensible pour Veolia que chaque publication de résultats semestriels est précédée de rumeurs sur la démission d'Henri Proglio. La brouille qui a mené au départ, début 2009, de son directeur financier Jérôme Contamine n'a pas contribué à calmer ces inquiétudes. nIl s'affiche comme le futur patron de « l'équipe de France du nucléaire » cher au c?ur de l'Élysée.29 juin 1949 :  naissance à Antibes (Alpes-Maritimes)1971 : diplômé d'HEC1973 : entre à la Compagnie Générale des Eaux2000 : président du directoire de Vivendi Environnement2009 : PDG d'EDF et président de Veolia.
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