Servier condamné à changer pour survivre au scandale du Mediator

Branle-bas de combat chez Servier. Critiqué par les politiques, lâché par ses confrères, le fabricant du Mediator, deuxième laboratoire francais derrière Sanofi, paraît plus isolé que jamais. Après sa suspension du Leem, le syndicat patronal du secteur, Jacques Servier a quitté ce mardi la présidence du G5, le club des cinq grands groupes pharmaceutiques français. Même Image 7, la très influente agence de communication embauchée à l'occasion de « l'affaire », serait sur le point de jeter l'éponge, exaspérée par la mauvaise volonté de Jacques Servier. « Les salariés, habitués à être défendus par Servier, commencent franchement à s'inquiéter depuis le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales [publié mi-janvier, Ndlr] », confirme un proche. Au sein du groupe, on commence à en tirer les conséquences. « Au plus haut niveau de l'entreprise, on réfléchit à l'après-Mediator. L'idée est d'organiser la transition vers une entreprise plus ?normale'. Le cas échéant en incitant Jacques Servier à prendre du recul », confie un proche du dossier.Sur le plan financier pourtant, le Mediator ne menace pas la pérennité du groupe. Malgré la centaine de plaintes déposées au parquet de Paris, « l'absence de class actions en France et la difficulté à établir un lien de cause à effet va rendre la procédure longue et aléatoire », explique un avocat parisien. Et de souligner que les 118.000 euros que Servier a été condamné en appel à verser à la famille d'une patiente ayant pris de l'Isoméride [cousin du Mediator, ndlr] « reste un montant faible » au regard des 3,7 milliards d'euros de chiffre d'affaires du labo. Rien de comparable avec les 15 milliards d'euros provisionnés par Wyeth, le distributeur américain de l'Isoméride.Servier s'est certes résolu à participer au financement d'un fonds d'indemnisation des victimes. Mais le montant dépendra du « nombre de malades et des critères d'éligibilité au fonds », indique-t-on au sein du laboratoire. Tout au plus se borne-t-on à démentir la rumeur qui veut que Biogaran, la filiale de génériques de Servier (530 millions d'euros de ventes en 2010), puisse être cédée. « Cette question n'a pas été soulevée », assure-t-on dans l'entourage du deuxième génériqueur en France (derrière l'américain Mylan), qui a déjà attisé les convoitises par le passé. Une cession pure et simple du groupe serait tout aussi difficile. Depuis 2002, Jacques Servier a placé l'ensemble du capital social dans une fondation de droit néerlandais.Interrogation sur la successionEn termes d'image, en revanche, « la situation des visiteurs médicaux de Servier devient très compliquée », euphémise un proche du groupe. En quatre ans, le laboratoire a lancé trois médicaments dans l'Hexagone : le Protelos en rhumatologie, le Procoralan (cardiologie) et l'antidépresseur Valdoxan. « Servier réalise plus de 80 % de ses ventes à l'étranger où l'affaire Mediator n'a pas eu le retentissement français », tempère Patrick Biecheler chez Roland Berger. Il n'empêche : le laboratoire risque de peiner quand il s'agira de proposer aux autorités ses deux prochains médicaments, aujourd'hui en phase III d'essais (cardiovasculaire et diabète).C'est donc bien la gouvernance qui est en cause. À 88 ans, Jacques Servier incarne la gestion désastreuse de l'affaire Mediator et les spécificités du groupe qui lui sont aujourd'hui reprochées : paternalisme, culture du secret, absence de représentation syndicale... Pour ne rien arranger, il est nommément cité à comparaître le 11 février devant le tribunal correctionnel.Reste à savoir qui pourrait lui succéder. Jacques Servier a toujours expliqué qu'une « vingtaine de personnes » compose le comité de direction de sa fondation. « C'est diviser pour mieux régner », ironise un proche. En interne, plusieurs noms, peu convaincants, circulent. Qu'il s'agisse de Lucy Vincent, chargée des relations extérieures, du secrétaire général, Christian Bazantay, ou même du président exécutif, Jean-Philippe Seta, intronisé « dauphin » du patron mais aussi « pur produit Servier ». « Tout l'enjeu du groupe va consister à prouver qu'il peut changer. Un cadre extérieur issu de l'industrie serait idéal pour reprendre les rênes », estime un expert.
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