À Davos, les dirigeants s'inquiètent de la réplique sociale de la crise

Même l'économiste Nouriel Roubini, le Cassandre qui assène des prédictions catastrophiques, trouve aujourd'hui des raisons d'espérer dans la conjoncture. C'est dire si le ciel s'est éclairci au-dessus de la petite station des Alpes suisses, où le forum économique mondial a débuté mardi. Pour autant, l'humeur collective n'est pas légère : c'est l'inquiétude sociale qui domine désormais. Après la crise financière en janvier 2009, la crise économique en janvier 2010, voici la réplique sociale du séisme.À l'origine de cette crainte, la persistance d'un chômage élevé dans les pays développés, alors que la reprise aurait déjà dû entamer le stock considérable des sans emplois. Aux États-Unis, un adulte sur deux est au chômage ou a un de ses proches sans emploi... Et l'Europe n'est guère mieux lotie. Dans le monde, l'Organisation internationale du travail recense 213 millions de chômeurs : entre 2007 et 2009, leur nombre s'est accru de 30 millions. « Ce qui manque en Occident est le sens de l'urgence en matière d'emplois », a estimé mardi Arianna Huffington, cofondatrice du journal en ligne « Huffington Post ». Pourtant, la montée du chômage n'est pas un sujet que découvrent les dirigeants. Au printemps 2009, un sommet du G20 consacré à l'emploi a été organisé à Washington, aboutissant à dix recommandations. « Mais celles-ci ont vite été abandonnées, la priorité étant donnée à la réduction de la dette et des déficits et l'adoption de mesures d'austérité », déplore un spécialiste de l'emploi, invité à Davos. « Aujourd'hui, il est temps de se réveiller », avertit Philip Jennings, secrétaire général du syndicat UNI Global Action, qui n'hésite pas à prédire d'autres « révolutions de Jasmin ». Mais les gouvernements sont pris entre deux feux : traiter l'urgence sociale et poursuivre les politiques d'austérité. Des objectifs qui ne sont pas contradictoires pour tout le monde. « Il nous faut réduire les déficits publics justement pour améliorer la compétitivité des entreprises et créer des emplois », assure de son côté Laurence Parisot, qui intervenait jeudi dans une session consacrée à la sortie de crise. Une lueur d'espoir : selon un sondage réalisé par PwC, 51 % des patrons dans le monde comptent recruter de façon importante dans les douze prochains mois.Montée des Inégalités Une autre question apparaît en filigrane, inhabituelle à Davos : la montée des inégalités. Un pour cent de la population américaine détient 41 % du patrimoine, rappelle un expert international chinois, soulignant que la planète est désormais confrontée à un nouveau défi. Il s'agit non plus seulement de recréer la croissance, mais d'éviter qu'elle soit si concentrée. Bonne conscience tardive ? Pas seulement. C'est la survie du système mondial qui est en jeu. En 2007, juste avant la Grande Récession, les inégalités avaient retrouvé leur point haut du XXe siècle, atteint en 1929, alors que le monde allait plonger avec le krach. Les inégalités sociales produiraient-elles la crise ? Ce serait un peu aventureux de l'affirmer. Mais crise et inégalités pourraient avoir la même origine, l'exubérance de la finance. Une raison de plus pour tenter de faire rentrer le génie dans sa bouteille.
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