L'Europe n'a toujours pas résolu sa crise bancaire

L'effondrement de Lehman Brothers en 2008 a créé un choc d'ampleur comparable de part et d'autre de l'Atlantique, mais avec des conséquences asymétriques. Côté américain, plusieurs grandes banques ont immédiatement sombré. Puis, dès mai 2009, la publication des « stress tests » conduits par la Réserve fédérale a forcé dix grands établissements à se recapitaliser massivement. Ceci a rassuré les investisseurs sur la viabilité du coeur du système financier national, en dépit de la faiblesse persistante de nombreuses banques plus petites, dont beaucoup ont fait faillite depuis. Les États-Unis sont confrontés à des défis économiques et sociaux considérables, mais leur crise financière a, pour l'essentiel, pris fin il y a plus d'un an.La séquence dans l'Union européenne est très différente, marquée par une série de faux espoirs. Les banques ont d'abord cru pouvoir surfer sur la vague de confiance initiée par la chirurgie lourde menée aux États-Unis. À partir du printemps 2009, leurs cours boursiers ont commencé à rebondir, et certaines d'entre elles, parmi les plus solides, ont pu lever des volumes significatifs de fonds propres. En septembre 2009, les superviseurs européens ont conduit leurs propres stress tests, mais sans en publier les résultats et donc sans impact de marché. Hélas, la crise de la zone euro a crûment révélé la fragilité persistante du système bancaire européen. Nos dirigeants ont réalisé que leurs banques résisteraient mal à une défaillance de la Grèce, et ceci a été l'une des raisons clés du plan de sauvetage macroéconomique décidé au printemps dernier. Pour tâcher d'assainir la situation, ils ont ensuite décidé de rendre publics les résultats du prochain exercice de stress tests. La publication menée le 23 juillet a comporté quelques succès, notamment une exposition détaillée par la quasi-totalité des 91 banques testées de leur exposition au risque souverain, grâce à l'opiniâtreté de la cellule basée à Londres qui a coordonné le processus.La réaction initiale des marchés a été positive, mais de graves lacunes sont vite apparues. Les données publiées sont restées à la discrétion d'autorités nationales souvent tentées de présenter la situation sous un jour excessivement favorable. Le critère choisi pour la mesure du capital a été insuffisamment rigoureux. Certaines prévisions de bénéfice ont probablement été trop optimistes. Seule l'exposition au risque souverain a été détaillée, en dehors de l'Espagne qui a choisi la transparence sur tous les facteurs de risque. La conclusion, selon laquelle 3,5 milliards d'euros seraient suffisants à recapitaliser le système, n'a pas été considérée comme crédible par grand monde.La situation s'est dégradée depuis la rentrée. Les autorités n'ont pas su donner d'explications convaincantes à la suite d'un article du « Wall Street Journal » qui identifiait de sérieuses incohérences entre les stress tests et d'autres données publiques. Puis l'Irlande a annoncé le renflouement massif de la banque AIB, qui avait passé le stress test avec succès. L'ensemble du processus a progressivement perdu le respect des investisseurs. Surtout, il n'a pas permis de déclencher la nécessaire recapitalisation des maillons les plus faibles. Comme en 2009, les banques qui ont récemment augmenté leur capital, telles Deutsche Bank et Standard Chartered, sont parmi les plus solides du système. En Allemagne, certaines banques régionales (Landesbanken) vont très mal mais leur restructuration n'avance guère, et des doutes sont aussi apparus sur le niveau de capitalisation des caisses d'épargne, dont le rôle outre-Rhin est majeur. En Espagne, la banque centrale a imposé des fusions entre caisses d'épargne, mais il n'est pas sûr que les entités résultantes soient suffisamment fortes. Dans plusieurs pays, l'objectif des autorités semble encore être de cacher les mauvaises nouvelles plutôt que de régler les problèmes.Cette incapacité à tailler dans le vif va sans doute peser lourdement sur la croissance européenne, comme lors de la tristement célèbre « décennie perdue » au Japon. Ce dont l'Europe a besoin n'a guère changé : un processus de triage qui identifie de manière crédible et publique les besoins de capitaux réels des principales banques, et impose leur recapitalisation et restructuration en tant que de besoin. La création d'une Autorité bancaire européenne en janvier 2011 crée l'infrastructure nécessaire pour un processus d'évaluation centralisé. C'est un progrès, mais ce n'est pas suffisant. Résoudre la crise bancaire européenne exigerait une prise de conscience et de responsabilité politique qui a fait cruellement défaut jusqu'à présent, en particulier dans les plus grands pays de la zone euros. (*) Économiste au sein du « think tank » Bruegel (Bruxelles), chercheur invité au Peterson Institute for International Economics (Washington).
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