Changer la relation aux fournisseurs

À première vue, c'était l'évidence même : les directions des achats dans les entreprises allaient sortir renforcées de la pire crise que le monde ait connue depuis 1929. Il n'en a rien été : les directeurs des achats et de la logistique n'ont pas pris de galon. En revanche ? et c'est plus inattendu ?, les entreprises ont commencé à prendre conscience que les relations avec leurs plus importants fournisseurs relèvent du domaine stratégique. C'est un des nombreux enseignements du Baromètre SRM que vient de réaliser CSC, l'un des leaders mondiaux dans le conseil et l'intégration de solutions et de systèmes d'information, en collaboration avec TNS Sofres. 84 directeurs d'achats, logistiques et supply chain d'entreprises publiques ou privées de plus de 1.000 salariés ont été interrogés en Europe (dont 20 % en France). Il en ressort par exemple que la fonction achats n'est représentée que dans 37 % des comités de direction. « Un résultat bien faible au regard du poids des achats dans le chiffre d'affaires global des entreprises, surtout en période de crise », commente Stéphane Plovier, global business consulting director, chez CSC.dans l'urgenceC'est d'autant plus paradoxal que, la crise éclatant, les services des achats ont été mobilisés dans l'urgence. Objectif : renégocier les contrats avec les fournisseurs et réduire les stocks au strict minimum, afin de diminuer les immobilisations. « Cela a été la course au cash qu'il fallait garder dans l'entreprise », observe Stéphane Plovier. Les fournisseurs ont alors vu, comme on sait, les commandes s'arrêter du jour au lendemain. Les sous-traitants du secteur automobile en savent quelque chose ! Évidemment, les fournisseurs ont dû s'adapter pour amortir le choc. Mais leur capacité d'adaptation n'étant pas illimitée, certains se sont retrouvés au bord du dépôt de bilan. Ce qui a vivement inquiété? les acheteurs. Ceux-ci ont en effet réalisé alors que la défaillance d'un de leurs fournisseurs stratégiques pouvait avoir des conséquences catastrophiques pour leur propre entreprise. Surtout dans les cas où certains d'entre eux avaient décroché un quasi-monopole dans la fourniture de certains éléments pour précisément en réduire le coût?Branle-bas de combat, donc, dans les services achats qui ont alors constitué des équipes pour aller voir les fournisseurs, s'inquiéter de leur santé financière, connaître leurs besoins de cash et entamer avec eux un dialogue soutenu. Bref, les donneurs d'ordres ont commencé à « bichonner » leurs fournisseurs. « C'est la première fois, ça ne s'était jamais fait auparavant ! s'exclame Stéphane Plovier. C'est très important car cela a remis l'idée dans l'entreprise que le fournisseur fait aussi partie de la richesse, de la valeur de la société. » « On est en train de passer de l'ère des directeurs d'achats coupeurs de têtes, renchérit Frédéric Pichard, manager chez CSC, à celle des innovateurs qui vont bâtir de vrais partenariats avec leurs fournisseurs. Les entreprises se rendent compte qu'elles ne peuvent pas se développer en dehors de leur écosystème. »Une idée en l'air ? Pas vraiment : lorsque les managers ont commencé à chercher les meilleures pratiques pour répondre à cette problématique, ils sont tombés? sur Toyota, déjà érigé en modèle pour son « lean manufacturing » ou recherche de la performance par l'amélioration continue et l'élimination des gaspillages. « Dans toutes les enquêtes réalisées, Toyota, précise Stéphane Plovier, est considéré par tous ses fournisseurs-partenaires comme un exemple à tous les points de vue. » Une telle démarche suppose, entre autres, d'intégrer les fournisseurs essentiels dans tous les process, des prévisions de production, aux études, jusqu'au développement joint, la qualité, en passant même par la vie interne de l'entreprise. Autrement dit, il s'agit de resserrer les liens pour créer ensemble de la valeur.ProfessionnalisationComment ? « Les collaborations avec les fournisseurs, prévoit Stéphane Plovier, vont beaucoup s'appuyer sur les technologies de l'information et de la communication, cela ira jusqu'à la création d'un réseau social, façon Facebook, avec les fournisseurs. Beaucoup d'entreprises sont prêtes à y investir. » De fait, le marché des outils collaboratifs à mettre en ?uvre dans les systèmes d'information, de plus en plus nombreux, est en train d'exploser. Ces outils vont être d'autant plus indispensables que, les réglementations devenant de plus en plus complexes, notamment en matière de traçabilité (y compris des substances chimiques?), les entreprises vont devoir professionnaliser encore davantage leurs services achats et logistique afin qu'elles puissent mieux sécuriser les risques potentiels. Une belle opportunité pour ces métiers clés d'améliorer leur image ? et leur influence ? tant en interne qu'en dehors des murs des entreprises.Jean-Louis Alcaïdeenquête
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