Pour éviter de nouvelles émeutes de la faim

Un forum pour relancer l'agriculture en Afrique subsaharienne se tient ce début de semaine à Paris. Alain Joyandet, secrétaire d'Etat chargé de la coopération et de la francophonie, invite l'Afrique à une ambitieuse relance de son agriculture en s'inspirant de la PAC européenne. Car, selon lui, malgré la détente récente des prix agricoles, de nouvelles émeutes de la faim sont possibles alors que les menaces climatiques demeurent et que la crise fragilise les populations pauvres.

Comment éviter de revivre le cauchemar des émeutes de la faim?? La crise financière et le fléchissement des prix agricoles ne doivent pas faire oublier ce drame récent, qui a touché de plein fouet les populations les plus vulnérables de notre planète. Aujourd'hui, en dépit d'une baisse récente, le prix des denrées reste très supérieur à la moyenne des années précédentes, les menaces d'accidents climatiques demeurent et, surtout, la récession actuelle rend plus fragiles les populations urbaines des pays pauvres. Les importations de céréales sont passées de 7 kg par habitant dans les années 1960 à 22 kg au début de ce siècle?: comment se fait-il qu'un continent dont les ressources naturelles sont immenses et les pratiques agricoles si anciennes en soit arrivé là?? Les mauvaises politiques, l'insuffisance des financements et la dégradation des conditions climatiques sont, pour l'essentiel, à l'origine de cet échec.

Je milite pour que le développement de l'agriculture soit le premier objectif économique de l'Afrique?: il ne s'agit ni de rechercher à tout prix une autosuffisance illusoire dans certains pays peu favorisés par la nature, ni de renoncer à des exportations rémunératrices. Il faut bien plutôt améliorer la sécurité alimentaire en rendant les produits disponibles et abordables pour le plus grand nombre.

L'agriculture familiale modernisée permet d'importantes créations d'emplois et une large distribution de revenus?: elle doit donc occuper une place de premier plan. Si des moyens propres leur sont donnés, les femmes peuvent y trouver de quoi améliorer l'alimentation des enfants et accroître leur propre autonomie. L'accroissement des rendements doit permettre d'éviter la mise en culture de terres d'élevage et la déforestation. Enfin, il faut sortir de l'opposition trop systématique entre cultures vivrières et cultures de rente car ? l'exemple est éloquent ? lorsque le coton est cultivé dans une région, c'est toute l'agriculture locale qui se modernise.

Quels sont les facteurs clés de la modernisation que j'appelle de mes v?ux?? D'abord, renforcer les services d'appui techniques nationaux aux paysans, car ces administrations ont été affaiblies par les politiques d'ajustement structurel de ces dernières années. Ensuite, favoriser la mise sur le marché de semences et d'engrais si possible subventionnés. Egalement, promouvoir le crédit et le microcrédit rural. Enfin, encourager, bien sûr, les investissements étrangers dans le domaine agricole à condition qu'ils tiennent compte des besoins des populations locales. En effet, sauf si les terres fertiles abondent, ce qui est rarement le cas, les gouvernements doivent parfois savoir résister aux sirènes des pays riches désireux d'acheter des terres au sud pour garantir leur propre sécurité alimentaire. Dernier facteur clé de succès?: le développement des infrastructures d'irrigation, de stockage et de transport.

Tout cela a un coût élevé. Dans l'esprit de la conférence sur le financement du développement qui s'est achevée le 2 décembre à Doha, les pays du Sud sont les premiers responsables de leur développement. L'engagement pris en 2003 à Maputo par les Etats africains de consacrer 10% de leur budget au développement rural est à saluer. Aujourd'hui, la moyenne est seulement de l'ordre de 4%. La part de l'aide consacrée à l'agriculture a été divisée par 2 entre les années 1980 et la fin des années 1990. C'est une erreur stratégique. Aussi est-il aujourd'hui urgent d'augmenter l'aide à l'agriculture. C'est le sens du Partenariat mondial pour l'alimentation, lancé par le président Nicolas Sarkozy à la FAO, le 3 juin dernier.

Nous avons fait un effort remarquable?: l'Agence française de développement a prévu de consacrer 1 milliard d'euros de financement à l'agriculture africaine au cours des quatre prochaines années. Nous avons convaincu l'Europe, sous notre présidence, de donner 1 milliard d'euros supplémentaire à la sécurité alimentaire dans les pays pauvres. Cette somme devrait notamment sauver les récoltes 2009 et 2010.

Enfin, n'oublions pas l'importance de nos accords économiques?: ces fameux APE que nos partenaires africains hésitent à signer. L'Union européenne est déterminée à mener cette négociation jusqu'à son terme pour voir ces accords succéder à ceux de Lomé et de Cotonou qui régissaient les relations de l'Europe avec les "ACP" (Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique). Il faut, pour cela, y insérer une notion de développement et, je crois, les inscrire dans une dynamique de "mutualisation" régionale plus franche : pourquoi ne pas prendre exemple sur la PAC européenne?? Certes, celle-ci n'est pas parfaite mais elle a permis d'harmoniser, d'intégrer et de dynamiser notre potentiel agricole. Ainsi, j'invite l'Afrique à conduire une ambitieuse relance de son agriculture?; pour l'y aider, la France et l'Europe se tiennent à ses côtés.

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Commentaires 4
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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vous feriez mieux de leurs donner la pilulle,vous en sauveriez plus,au lieu de les faire agoniser!

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Intentions très louables, Projets excellents pourvu qu?ils soient mis en pratique et se réalisent substantiellement ! Hélas, le tableau est beaucoup moins idyllique que cela ! En réalité, les pays riches avec leurs multinationales vont razzier, ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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bravo Fifi ,la pilule et les préservatifs, c'est parce que nous en abusons que nous croulons souvent sous les excédents et l' obésité, que la race blanche se meurt,. Alors peuples affamés, suivez l'exemple.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Les accords APË précédents ont été conclus entre des gouvernements de pays riches subventionnant à fond leur agriculture et des gouvernements locaux qui ne voyaient dans ces accords que l'occasion de nourrir au moindre coût leur population urbaine sa...

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