Le retour de la théorie du découplage chinois

Par Federico Rampini, correspondant à Pékin du quotidien italien La Repubblica (a publié "L'Ombre de Mao" - Robert Laffont).

La théorie du "découplage" de l'économie chinoise par rapport au reste du monde redevient actuelle. La reconversion de la croissance chinoise, d'un modèle de développement longtemps orienté à l'exportation vers un nouveau modèle axé sur la demande intérieure, va plus rapidement que prévu. Un scénario à deux vitesses se profile : la chute des exportations se poursuit, alors que la consommation des ménages, les investissements et la production industrielle reprennent de la vigueur.

Au mois de mai, la diminution des exportations chinoises a été de 26,4% par rapport à mai 2008. Cette chute dépasse même le record précédent du mois de février, lorsque les exportations avaient reculé de 25,7%. Du côté du commerce extérieur, toute relance semble impossible tant que les Etats-Unis et l'Europe ne sortent pas de leur récession.

A première vue, les importations chinoises suivent une trajectoire semblable : - 25,3% en mai 2009 par rapport à mai 2008. Mais ce chiffre doit être interprété. En réalité, la Chine a augmenté sensiblement ses achats de matières premières. Cependant, la baisse des cours des produits de base par rapport à l'année passée fait baisser la valeur des importations bien que les volumes augmentent.

L'impact de la baisse des exportations sur l'emploi est finalement moins dramatique que prévu. En décembre 2008, on signalait une vague de licenciements massifs dans le Guangdong, la région industrielle du Sud, durement touchée par l'effondrement des exportations. A présent, il semble que cette vague soit en partie limitée par la flexibilité salariale. Dans les secteurs industriels tournés vers les marchés extérieurs, les réductions des salaires ouvriers vont de 10% à 20%. Mais l'amortisseur le plus important de la crise est bien la demande intérieure. En mai, les ventes au détail ont augmenté de 15,2%. La croissance de la production industrielle atteint 8,9% par rapport au même mois de 2008.

Derrière ces chiffres, on mesure le rôle joué par le budget de l'Etat. La politique de soutien à la croissance bénéficie d'un important programme de dépenses publiques. Les investissements ont augmenté de 32,9% durant les cinq premiers mois de 2009, et de 50% en mai, surtout grâce aux travaux publics. Par exemple, les dépenses publiques dans les chemins de fer ont bondi de 110,9% depuis le début de l'année. Aussi certains experts occidentaux craignent que la croissance chinoise devienne trop subordonnée à l'Etat.

Ces critiques sont déplacées. S'il est souhaitable que la Chine se libère de son étroite dépendance vis-à-vis des marchés mondiaux, et si l'Occident veut qu'elle devienne une locomotive de la croissance mondiale, alors le rééquilibrage en cours en faveur de la demande interne est le bienvenu. Que les investissements publics soient dominants, cela n'a rien d'étonnant dans cette phase, car la consommation des ménages est encore partiellement freinée par l'incertitude conjoncturelle.

Mais la dynamique de relance amorcée par les investissements de l'Etat indique que la Chine peut sortir de cette crise bien avant les Etats-Unis et l'Europe, et dans de meilleures conditions. Si la tendance actuelle est confirmée, à la différence des pays occidentaux et du Japon, la République populaire n'aura jamais connu de récession véritable. La prévision formulée par le gouvernement de Pékin d'une croissance de 8% de son PIB en 2009, qui semblait trop optimiste au début de l'année, pourrait se réaliser.

La Banque mondiale, entre autres, juge à présent que cette prévision est tangible. Le "découplage" de la superpuissance asiatique serait un événement majeur. Lorsque le monde entier sera sorti de la récession, l'Occident découvrira qu'une conséquence de cette crise aura été d'accélérer le changement des hiérarchies entre les nations. La Chine sera encore plus puissante qu'avant. Cela aura des effets considérables, notamment dans la compétition internationale pour s'assurer l'accès aux matières premières et la sécurité énergétique.

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Espérons juste que l'occident et les Etats-unis particulièrement n'utilisent pas le seul avantage comparatif qui reste : c'est à dire la puissance militaire....

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