Du temps de la kremlinologie, les spécialistes guettaient avec attention le moindre changement d'attribution parmi les hiérarques du parti communiste à Moscou, pour décrypter les orientations politiques au sein du régime soviétique. Un Patagon fraîchement débarqué à Paris serait bien en peine de pratiquer une telle analyse, au vu de la liste du nouveau gouvernement. Mettons-nous un instant à sa place.

La mer figure dans les attributions de Jean-Louis Borloo, tandis que la pêche est du ressort de Bruno Le Maire. Pourquoi diable séparer le contenant du contenu?? D'autant que, pour des raisons mnémotechniques évidentes, il eût été préférable de nommer Le Maire à la mer. Autre problème, l'écologie, écartelée entre Borloo, Létard et Jouanno. Il n'est pas impossible que les bisbilles entre ces personnalités contribuent à aggraver le réchauffement climatique?: trois pour s'occuper du CO2, c'est au moins un de trop.

Pas moyen de s'y retrouver davantage en matière de développement. S'il est "solidaire", le voilà chez Eric Besson. Qu'il soit "durable", direction Létard. La solidarité elle-même est ambiguë, à cheval entre Nadine Morano et Martin Hirsch - ce dernier ne fait toutefois que dans les solidarités "actives". Xavier Darcos est ministre du Travail, mais c'est Laurent Wauquiez qui a la tête de l'emploi. L'économie appartient à Christine Lagarde, sauf lorsqu'elle est "numérique", où elle tombe dans l'escarcelle de Nathalie Kosciusko-Morizet.

Les générations montantes ont leur tutelle, avec le haut-commissaire à la Jeunesse, et les vieux aussi, grâce à Nora Berra, secrétaire d'Etat aux Aînés - "plus près de toi, senior", telle est la devise de cette nouvelle recrue. Mais point de ministre des Trentenaires, ni de commissariat à la Force de l'âge. Oubli regrettable. Peut-être un poste pour Claude Allègre, le dépité du "Miti " ? Ou Jack Lang, qui est justement "candidat à rien"??

Bonne nouvelle, la création d'un ministère de l'Alimentation, qui sera utile à tous ceux qui mangent régulièrement. André Santini, gastronome émérite, eût été un excellent choix pour ce poste. Il est temps de rassurer notre Patagon. Ce désordre apparent n'est pas du tout le reflet de choix politiques. C'est le résultat de longues fidélités amicales et d'incompatibilités d'humeurs, de considérations politiciennes, d'équilibres géographiques et de respect (très approximatif) de la parité. Le vrai gouvernement est beaucoup plus ramassé. Il est à l'Elysée.