L'euro, monnaie de la double peine

Par François Lenglet, rédacteur en chef à La Tribune.

Voilà longtemps que l'Europe se cherche un totem animal qui incarnerait ses vertus et ses ambitions, aux côtés de l'aigle américain et du panda chinois. A la lumière de l'année de crise mondiale qui s'achève, un volatile s'impose : le dindon. Cet oiseau a en effet trois caractéristiques qui le rapprochent de l'Europe. D'abord, lorsque le dindon s'exprime, il glougloute. Ensuite, il descend d'une sorte de dinosaure, le caudipteryx, comme en témoigne son allure curieuse et préhistorique.

Enfin, il est indissolublement lié à la farce : être le dindon de la farce, c'est bien le rôle dans lequel nous excellons. Particulièrement en matière monétaire. Voici notre devise, l'euro, presque au plus haut face au dollar et à la livre sterling, altérant la compétitivité de nos exportations alors que les ressorts internes de la croissance européenne sont déjà affaiblis.

Traditionnellement, le jeu de bascule des changes mondiaux est un stabilisateur essentiel à la bonne marche de l'économie. Lorsqu'une zone faiblit, elle abaisse ses taux d'intérêt, sa monnaie dévalue et elle importe ainsi de l'activité en provenance des autres régions du monde. Avec la crise, la synchronie de la dépression aurait demandé une dévaluation... mondiale, ce qui n'a guère de sens, puisque nous ne commerçons pas avec les autres planètes. Tous les taux d'intérêt sont proches de zéro mais, parmi les grandes devises, seuls le dollar et la livre sterling chutent, en particulier au détriment de la devise européenne.

Etrange fatalité monétaire, qui nous punit pendant la crise alors que nous n'avons guère profité de la croissance exceptionnelle qui a tiré le monde anglo-saxon depuis quinze ans : l'euro est la monnaie de la double peine. A y regarder de près, le châtiment a même été triple, à cause de la politique monétaire unique, qui a aggravé les difficultés en Europe en incitant au surendettement les pays de l'arc atlantique - l'Espagne, l'Irlande - et en provoquant une surchauffe immobilière délirante.

A l'inverse, le dollar est la devise de l'impunité. Impunité que confère le statut unique des Etats-Unis, mariant la VIIème flotte - puissance politique et militaire - et la Silicon Valley - dynamisme de l'économie. Quant au sterling, il parvient toujours à échapper à la patrouille, offrant au Royaume-Uni exactement le cours qui convient à sa conjoncture, avec de profondes et providentielles dévaluations qui l'aident à se rétablir dans les crises. Dans une farce, il y a le dindon, et les autres.

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Commentaires 4
à écrit le 13/10/2009 à 12:40
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Moi j'avais pensé au coq;n'en déplaise aux anglais...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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A défaut de dévaluer la monnaie, nous pouvons baisser nos prix et donc, nos salaires. Le résultat est strictement le même. Libre à nous !

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Le dollars ne s'en sortira pas à si bon compte pendant longtemps. Si vous avez des dollars, liquidez-les !

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Bravo, mais il aurait fallu l'écrire bien avant...il est trop tard pour cracher dans la soupe néo libérale et la pensée unique qui a livré notre pays à la mondialisation et à la technostructure bruxelloise.Notre route est désormais chargée d'épines, ...

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