Guerre économique : la trêve de Pâques ?

Par Marc Fiorentino, stratège d'allofinance.com.

La guerre économique bat son plein depuis la crise financière de 2008. Entre les zones économiques, entre les blocs et entre les pays au sein des mêmes zones. Sur tous les fronts, monnaies, taux d'intérêt, plans de relance nationaux, protectionnisme larvé ou assumé. Une guerre où chacun cherche à sauver sa peau, c'est-à-dire ses emplois et ses exportations, et où tous les coups sont permis. Mais cette guerre dure et la "blitzkrieg" risque fort de se transformer en guerre de tranchées. Dès lors, comme dans tout conflit de longue durée, des trêves sont nécessaires, des trêves qui permettent de reconstituer ses forces, de panser ses plaies et de revoir éventuellement sa stratégie et ses alliances. Et c'est exactement ce qui s'est passé cette semaine. Avec des événements qui ont été occultés par l'écran de fumée grec qui a monopolisé les médias et les marchés mais qui sont pourtant essentiels pour l'avenir économique et financier.

 

1. Trêve entre les Etats-Unis et la Chine. Ces deux pays se détestent. Ils sont entrés dans une guerre froide économique sans pitié de laquelle ne pourra émerger qu'un seul survivant. En durcissant le ton il y a quelques semaines, Barack Obama avait enfin montré sa détermination. Dès lors, la Chine a fait machine arrière et a besoin de réévaluer ses forces et sa position. Tim Geithner a été envoyé comme négociateur à Pékin pour préparer la signature d'un cessez-le- feu monétaire cette semaine à Washington lors de la visite de Hu Jintao. La Chine ne sera pas accusée de manipulation, les États-Unis obtiendront leur réévaluation, modeste, du yuan.

 

2. Trêve entre les Etats-Unis et la Russie. Ces deux pays se détestent aussi. La Russie n'acceptera jamais de ne plus être l'URSS et de ne plus compter comme une superpuissance. Et pourtant voilà ces deux pays qui mettent fin, et c'est tout simplement spectaculaire, à 50 ans de bras de fer nucléaire. À Prague, Medvedev et Obama se sont engagés à réduire leurs armements nucléaires. Cet accord n'est pas dicté par la volonté de justifier ou d'obtenir un prix Nobel de la Paix mais par la nécessité financière. Le conflit mondial se jouera sur le terrain économique. Adieu donc l'escalade nucléaire. Obama avait, peu de temps avant, renoncé aussi à la guerre des étoiles.

 

3. Trêve entre l'Allemagne et la Russie. Les origines est-allemandes d'Angela Merkel nous avaient tous convaincus que l'Allemagne d'Angela serait une Allemagne qui tournerait le dos à la Russie et à l'Europe de l'Est pour tendre les bras aux Etats-Unis et à l'Europe de l'Ouest et du Sud. Les relations étroites entre l'ancien chancelier Gerhard Schröder et la Russie avaient d'ailleurs été très largement critiquées par l'actuel gouvernement. Mais là encore la crise est passée par là. Cette semaine, l'Allemagne a regardé la Grèce se noyer sans même réagir. Les contacts avec une Russie riche en énergie s'intensifient et l'Allemagne troquerait bien ses relations avec la Grèce et toute l'Europe du Sud pour un rapprochement avec l'ancien bloc de l'Est.

Tout cela en quelques jours?! Sans parler de la tentative américaine, encore cette semaine, pour renforcer l'axe avec l'Inde, contre pouvoir à la montée en puissance de la Chine. L'Amérique veut une trêve de longue durée. Elle veut se désengager, ne plus offrir de boucliers qu'à ses chômeurs et à ses pauvres. Tant pis pour le reste du monde. Ce sera pour plus tard. La Chine veut temporiser. Elle n'est pas très sûre que son modèle pourra survivre en l'état à l'explosion éventuelle de la bulle. L'Europe se cherche mais l'Allemagne s'est trouvée et veut une trêve définitive avec le bloc de l'Est. L'Inde sait que l'affrontement avec la Chine pour la chasse aux matières premières est inévitable, mais là encore l'heure n'est pas au combat. Le Japon se bat, encore et toujours, avec la déflation et ne peut lutter pour l'instant avec son voisin chinois.

Les lignes de front sont en train de bouger. Les alliances d'évoluer. Les terrains de conflits se concentrent exclusivement dans la sphère économique et financière. Les tirs ont cessé... momentanément.

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