D'une porte à l'autre, d'un mode à l'autre, la maille du rail

Les pouvoirs publics souhaitent relancer le transport ferroviaire. Ce choix stratégique repose sur trois grandes ruptures des mobilités. Cette priorité a du sens et elle répond à une demande.
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La société française, après un siècle de route, choisit le rail. Quatre annonces l'affirment : 21 milliards d'euros pour le métro automatique du Grand Paris auxquels s'ajoutent plus de 18 milliards pour le plan de mobilisation pour les transports de la Région, 4 milliards pour remettre le réseau ferré francilien à niveau et 7,8 milliards investis sur la ligne grande vitesse Tours-Bordeaux. Nous sommes loin des 1.000 milliards de dollars que les autorités chinoises investissent dans le ferroviaire, nous sommes aussi loin d'une garantie de financements. Il n'empêche, ces choix du rail sont là. Ils interrogent sur trois ruptures des mobilités.

Après un siècle de domination et une part du kilomètre-voyageur de quelque 80 % en France, la voiture voit ses investissements réduits à peau de chagrin (4,5 % au mode routier contre 55 % pour le rail des financements du récent Schéma d'infrastructure des transports). Fin d'un système pour un autre ? Reflet d'une performance qui sombre au fil des congestions que produit l'automobile et d'une transformation des formes urbaines qui cessent d'en privilégier l'usage en ville. Si l'absence d'alternatives l'impose encore dans les zones de faible densité, ailleurs l'automobile cherche des issues dans les partages et l'ajustement à la demande (covoiturage, autopartage, taxis collectifs...). L'articulation de son parc avec les autres modes devient une priorité. Ainsi, le rabattement automobile sur les gares est tel que la SNCF encourage le covoiturage pour soulager les parkings des 380 gares franciliennes. In fine, avec une part modale pourtant modeste, le rail devient la pièce maîtresse d'une organisation complexe - elle absorbe au passage l'automobile -, formant un marché unique des déplacements. C'est la première rupture.

Deuxième rupture, le basculement de l'offre d'une mobilité collective, récurrente et monomode à la demande d'une mobilité individuelle, dispersée et composite. Les usagers acquièrent la maîtrise des modes et du système qui les relie. Le ferroviaire - fort de l'irrigation de son réseau du local à l'international - accompagne d'une porte à l'autre et redistribue les flux d'un mode à l'autre. Mais de ce mode pivot, les usagers exigent aussi une qualité de voyage. Elle se traduit en Île-de-France par le Francilien de la SNCF plus proche d'un tramway dans sa fréquence et sa pratique - confort et silence - que du train d'hier, avec un haut niveau de services. Le train est alors représentatif de cette capacité à se réinventer, de sorte à promettre une expérience du voyage inédite.

Dernière rupture, cette trame robuste structure et consolide la métropole urbaine. Son tropisme - cela vaut pour toutes les grandes villes - efface les frontières administratives. Ces cloisonnements et morcellements que la loi peine à dissoudre disparaissent dans les usages. Cela pose la question du bien-fondé du Grand Huit, le métro automatique francilien qui se pense aujourd'hui en excitation plutôt qu'en apaisement des flux. Pourtant, le rail sait jouer cette carte et celle de l'ouverture. Le rail n'a pas de borne. Son horizon, c'est la métropole dans ses deux sens, urbain d'un côté, régional et national de l'autre pour soulager un système de déplacements qui sature.

La ville se reconstruit sur la ville et sur le territoire, dit-on, et les réseaux sur les réseaux, faut-il ajouter. Mais faut-il bouger pour être mobile ? La métropole et ses mailles multiples tendent à dépasser la partition prônée par Le Corbusier qui impose « le circuler pour relier l'habiter et le travailler ». À la maille des mobilités physiques s'adjoint le circuler des réseaux numériques. Les limites des élasticités du voyage - humaines, comme le stress du trop de déplacements ; économiques avec la baisse des ressources ou environnementales - imposent de réduire les mobilités subies au bénéfice des mobilités choisies. Gares et trains auront demain leur place dans cette superposition de réseaux. Nous sommes déjà tous des télétravailleurs. Nous sommes aussi de plus en plus des téléconsommateurs. Au gré de nouvelles architectures, la maille du rail tisse une pratique nouvelle qui conjugue l'efficacité des divers circuler. Cette priorité du rail a non seulement un sens, elle est aussi une demande des usagers.

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