La preuve au bout de la ligne

Par Jerôme Marin, correspondant de La Tribune à New York.
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Wall Street est désormais prévenue : "the Feds are listening". C'est la grande leçon du procès de Raj Rajaratnam, qui s'est conclu la semaine dernière sur la condamnation du fondateur du fonds Galleon - sa peine ne sera connue que le 29 juillet. Non seulement les écoutes téléphoniques ont été jugées recevables par la cour. Mais elles ont joué le rôle de preuves irréfutables. A plusieurs reprises durant leurs douze jours de délibération, les douze jurés ont demandé à écouter à nouveau des bandes sur lesquelles on pouvait entendre l'investisseur recueillir des informations confidentielles sur plusieurs sociétés cotées. Dès lors, la cause était entendue. Et la défense très agressive menée par les avocats de l'accusé n'a rien changé. Cette victoire du procureur de Manhattan valide une nouvelle méthode dans les affaires de délit d'initié. Surtout, elle lui confère ce que les Américains appellent le "momentum". Un élan qui pourrait conduire à d'autres succès pour le ministère public.

A 4.000 kilomètres de New York, à l'hôtel Bellagio de Las Vegas, la condamnation de Raj Rajaratnam n'a pas laissé indifférent. Elle était même au coeur des conversations lors de la conférence annuelle Skybridge Alternative Investment, qui réunissait près de 2.000 financiers. Au point même d'éclipser les interventions de l'ancien président George W. Bush ou du sénateur Chris Dodd, l'un des deux pères de la récente réforme financière. Si la retenue était de mise devant les caméras chez les gérants de hedge funds, les langues se sont déliées sous le couvert de l'anonymat. "Je n'ai jamais aimé ce type. Il nous faisait de la mauvaise publicité", lance un participant cité par CNBC. "C'est toujours bon pour les personnes honnêtes quand les personnes malhonnêtes s'en vont", renchérit un second. Mais d'autres s'interrogent sur cette nouvelle donne : "combien de lignes vont être placées sur écoute ? Et quelles informations obtenues seront hors des limites ?"

Depuis un an et demi, 47 personnes ont été inculpées pour délit d'initié à New York. Une débauche de moyens humains et financiers qui soulève d'autres questions. "Le gouvernement devrait déployer autant de ressources pour enquêter sur les comportements qui ont provoqué la crise financière", dénonçait ainsi récemment Charles Ferguson, le réalisateur de l'excellent - et oscarisé - documentaire "Inside Job". "Ceux à Wall Street qui ont pris des risques inconsidérés ne sont même pas dans le radar de la justice", regrettait de son côté Joe Nocera, éditorialiste du "New York Times". Le problème, c'est qu'il « ne suffit pas de dire que sa firme ou ses clients ont perdu de l'argent pour envoyer quelqu'un en prison », avance Joel Seligman, président de l'université de Rochester. Il faut des preuves. Ce que les autorités n'ont manifestement pas. Début mai, le procureur de Manhattan a lancé des poursuites contre Deutsche Bank pour avoir menti sur la qualité de ses prêts hypothécaires. Mais seulement au civil... car il n'avait pas suffisamment d'éléments pour déclencher une procédure pénale.

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