Empruntez tant qu'il est encore temps

Par Jérôme Marin, correspondant à New York
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Avec 37 milliards de dollars de trésorerie, Google n'est pas vraiment dans le besoin. Pourtant, malgré cet important trésor de guerre, le géant de l'Internet a réalisé il y a deux semaines la première émission d'obligations de son histoire. Trois milliards de dollars levés sans le moindre problème auprès des investisseurs. Le même jour, Texas Instruments retrouvait, douze ans après, le chemin du marché obligataire, recueillant 3,5 milliards. « Les taux sont tellement faibles qu'il est difficile de les voir aller plus bas. Mais il est au contraire facile d'imaginer qu'ils vont augmenter », résumait alors Kevin March, le directeur financier du fabricant de semi-conducteurs. Ces deux groupes ne sont pas les seuls à vouloir profiter des conditions actuelles sur les marchés. Car cela ne devrait pas durer : avec l'arrêt programmé de la politique d'assouplissement quantitatif menée par la Réserve fédérale, les pressions à la hausse sur les taux à long terme devraient s'accentuer.

Alors, en attendant que la Fed n'interrompe ses rachats de bons du Trésor en juin, les grandes entreprises américaines s'empressent d'émettre des obligations. Hewlett-Packard, Caterpillar, BlackRock ou encore Chrysler. Selon les données récoltées par le cabinet Dealogic, ce sont ainsi près de 30 milliards de dollars qui ont été levés lors de l'avant-dernière semaine du mois de mai par les sociétés non financières. Un record ! Et l'addition des sommes récoltées depuis le début de l'année a plus que doublé par rapport à l'an passé. Autre record : le taux de 0,7 % attaché aux titres de dette à deux ans de Johnson & Johnson. Le laboratoire pharmaceutique est, il est vrai, l'un des quatre derniers groupes non financiers américains à toujours jouir du fameux triple A auprès des grandes agences de notation. En moyenne, les entreprises qui ne sont pas rangées dans la catégorie des « junk bonds » (« obligations pourries ») empruntent actuellement à un taux légèrement supérieur à 3,5 % sur dix ans, pas très loin du plus bas niveau historique touché en novembre.

Les « junk bonds » justement ne sont pas en reste. En mai - mois traditionnellement propice à ces opérations - ces groupes à risques ont vendu pour 56 milliards de dollars d'obligations, toujours selon Dealogic, dont 46 milliards uniquement aux États-Unis. Là aussi, les taux d'intérêt ont touché de nouveaux points bas. À un peu plus de 6,5 %, ils sont inférieurs de 3 points aux niveaux de l'été dernier. Cette embellie sur le marché obligataire n'est pas sans soulever des interrogations : la hausse attendue des taux se traduira en effet mécaniquement par une baisse du prix des titres déjà émis, ce qui affectera les investisseurs qui souhaitent s'en délester avant leur maturité. Pour certains cependant, ce problème ne se pose pas. Les taux obligataires ne seront pas réellement affectés, estiment-ils, notamment parce que la prime de risque devrait se réduire. « La fête va encore continuer pendant six à huit mois », expliquait ainsi Christine Hurtsellers d'ING Investment Management dans le « Wall Street Journal ».

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