RSA, assistanat ou travail forcé ?

Par Philippe Mabille, rédacteur en chef à La Tribune
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Travailler plus pour gagner plus, qu'il disait... Cette formule totem de la campagne de Nicolas Sarkozy, destinée à reconquérir l'électorat populaire tenté par le Front national, a changé de nature. Pas seulement parce que les résultats ne sont pas au rendez-vous : le pouvoir d'achat des Français, mangé par l'inflation, stagne. Mais aussi et surtout avec la polémique lancée par Laurent Wauquiez sur le RSA et l'assistanat, qui divise l'UMP et excite la gauche.

Pour Martin Hirsch, l'ancien haut-commissaire aux Solidarités actives, l'idée avancée à la convention sociale de l'UMP, mardi 7 juin, de proposer un contrat unique d'insertion, soit 5 heures de travail par semaine, rémunérées au Smic horaire, aux bénéficiaires du RSA (avec une sanction financière en cas de refus), est une hérésie : « Il y a plein de gens qui demandent un contrat aidé à 25 heures par semaine. J'espère qu'on ne va pas leur offrir 5 heures à la place de 25 heures », a-t-il dénoncé mercredi, soulignant le risque de conduire à « travailler moins pour coûter plus à l'État et aux départements »...

La création du RSA n'a jamais été comprise par l'électorat UMP, qui y a vu un pas de plus vers l'assistanat là où, au contraire, l'idée était de mieux accompagner les RMistes vers l'emploi. Il y a en réalité deux RSA : le RSA socle qui correspond à l'ancien Revenu minimum d'insertion (RMI) et est touché par environ 1,2 million de personnes. Et le RSA activité, qui concerne 730.000 personnes qui travaillent à temps partiel et bénéficient d'une aide dégressive destinée à financer les surcoûts (transport, garde d'enfants...), qui souvent dissuadent les personnes concernées de reprendre un emploi. Cette idée n'est pas nouvelle : elle avait déjà, en 2000, inspiré Lionel Jospin qui avait tenté d'instituer en France une sorte d'impôt négatif. C'est ainsi qu'est née la fameuse prime pour l'emploi qui, tout en ayant la même vocation, n'a pas eu la même efficacité, se dévoyant progressivement avec le temps en une subvention de l'État aux salariés modestes.

Martin Hirsch a eu raison de convaincre Nicolas Sarkozy de créer le RSA activité pour instituer une sorte de « bouclier fiscal des pauvres » et faire en sorte que la reprise d'un travail paye. Alors oui, au passage, Hirsch a négligé le fait que, en pleine crise, le passage du RSA socle au RSA activité deviendrait encore plus difficile. Avec la montée du chômage et celle, plus récente, de l'inflation, il y a de plus en plus de barrières à l'entrée sur le marché du travail pour des personnes dont le niveau de formation ne dépasse pas le CAP. Les faire travailler 5 heures par semaine, de façon plus ou moins forcée, dans des emplois subalternes, ne changera pas grand-chose à leur employabilité. Comme le dit Pierre Méhaignerie, président de la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale, on peut douter que les collectivités locales gèrent 5 millions d'heures de travaux d'intérêt public par semaine... Nul ne sait d'ailleurs comment les financer, même si, autre polémique lancée par Martin Hirsch, il semblerait que Bercy ait empoché l'excédent de 1 milliard d'euros, issu de la trop lente montée en puissance du RSA activité, financé par une contribution de 1,1 % sur les revenus de l'épargne. François Baroin a eu beau démentir l'« entourloupe », le mal est fait : même rémunéré, le contrat unique d'insertion est assimilé au Service du travail obligatoire (STO) de sinistre mémoire par le Parti communiste.

Plutôt que des fausses pistes politiciennes autour de l'assistanat, l'UMP ferait mieux de traiter ce sujet avec le sérieux qu'il mérite. Et si le problème venait du fait que l'incitation à la reprise d'un emploi est devenue trop faible ? C'est la thèse du think tank Terra Nova qui, dans une note sur « les politiques de lutte contre la pauvreté », plaide pour une revalorisation du RSA activité en l'indexant sur les prix. Bien sûr, le danger serait que l'État se mette à « assister » les employeurs qui, trop contents de l'effet d'aubaine, se garderaient d'augmenter les salaires... Mais ce serait toujours mieux qu'un travail forcé et improductif.

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