Les cent ans d'IBM : l'idée contre la rente

Par Jacques Barraux, journaliste.
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Une leçon d'industrie. En ce mois de juin 2011, le monde des technologies de l'information fête sa première entreprise centenaire : IBM. Et dans quelques semaines, Sam Palmisano, PDG depuis 2002, cédera son fauteuil à un nouveau dirigeant - ou dirigeante. Sauf imprévu, il - ou elle - viendra de l'intérieur. Une entreprise de high-tech qui passe le cap des cent ans a plutôt intérêt à fabriquer elle-même ses dirigeants et à les imprégner d'une philosophie d'action qui dépasse la seule maîtrise d'une technique.

Entre 1911 et 2011, le traitement automatique de l'information a connu quatre histoires séparées : le passage de la carte perforée à l'électronique, la montée en puissance des grands ordinateurs, l'ère du PC, son triomphe et son déclin, et aujourd'hui la prophétie réalisée du fondateur de Sun Microsystems : "The network is the computer." Le réseau est l'ordinateur. Chaque étape a vu naître et grandir une génération de nouveaux concurrents. Pourquoi IBM a-t-il survécu ?

Impertinent, mais habile, le magazine "The Economist" avance une explication en proposant de classer les grands acteurs de l'informatique d'aujourd'hui en deux grandes familles.

1. Les entreprises qui vivent sur une idée. IBM a dominé l'industrie informatique avant de se convertir aux activités de services. Mais il lui a fallu beaucoup plus qu'un simple affichage "entreprise de services" pour prolonger son espérance de vie. Que son offre soit matérielle ou virtuelle, toute entreprise doit pouvoir dire au marché : "Voilà notre promesse, voilà ce que nous savons faire." Or, dans le cas d'IBM, un fil rouge n'a jamais cessé de relier les différentes étapes d'un parcours qui est allé de la tabulatrice électromécanique aux derniers développements du "cloud computing". Un fil rouge sans lien avec les zigzags de l'histoire des techniques et qui se résume ainsi : aider les entreprises dans leurs parcours de consommateurs de technologies ; adapter les technologies à la vie des affaires.

Une idée plutôt qu'une technique. La démarche IBM coïncide avec celle de trois générations d'entreprises qui mènent le jeu sur les marchés high-tech. Il y a le trentenaire Apple (35 ans), qui vient d'admettre la mort prochaine du produit qui l'a vu naître - le micro-ordinateur - et qui fonde son offre sur l'idée de simplicité d'usage et de beauté formelle des outils de l'ère de l'information. Il y a l'adolescent Amazon (17 ans), qui propose simplement de "rendre les achats plus faciles". Il y a enfin le benjamin, Facebook (7 ans), qui veut "aider des amis à faire des trucs ensemble". Aucun des trois ne parle de technique.

2. Les entreprises qui capitalisent sur un succès. Ce sont des entreprises tout aussi brillantes que les précédentes mais qui ont un fil - doré - à la patte. Elles vivent l'expérience délicate qu'a connue IBM au cours de son histoire, quand le groupe hésitait à sacrifier la rente d'un produit en phase de maturité et à se lancer dans l'inconnu d'une séquence initiée par des concurrents. Le trentenaire Microsoft (36 ans) devenu dépendant de sa mine d'or Windows cherche à ouvrir ses logiciels aux usages universels de l'ère de la mobilité. Dell et Cisco, tous les deux âgés de 27 ans, ont du mal à sortir d'une spécialité datée, la fabrication et la vente directe de PC pour l'un, les routeurs Internet pour les géants du téléphone pour l'autre. Quant à l'adolescent Google (13 ans), il cherche lui aussi à rebondir au-delà du couple publicité-recherche Internet qui lui a apporté la fortune.

En somme, pour rester dans la course quand les fondamentaux d'un métier changent tous les quinze ans, il suffit de se convaincre que le temps joue contre les vainqueurs. La seule chance de survie est de se préparer pour le coup d'après...

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